Le sociologue Serge Guérin, responsable du Master of Business Administration « Directeur des établissements de santé » à l’Inseec (Paris), est un spécialiste des questions liées au vieillissement et à la « seniorisation » de la société.
Propos recueillis par Sébastien Drouet
On parle souvent des femmes quinquados. Cela ne concerne pas les hommes ?
Disons que cela intéresse plus les femmes. C’est un phénomène différent de celui des adulescents, ces 35-40 ans – plutôt des hommes d’ailleurs – qui sont encore liés à leurs parents, qui ne prennent pas leurs responsabilités, qui fuient devant la paternité…
Les quinquados restent des mères, mais dans un rapport de copines plutôt que de parents à l’ancienne. Ce sont des personnes qui vivent en ville, avec des revenus convenables.
Que recherchent-elles ?
Elles ne cherchent pas à revenir en arrière ; en fait, elles n’ont pas vieilli. Elles font plus jeunes que leur âge, elles pratiquent des sports, et elles ne voient pas très bien pourquoi elles devraient être du côté des vieux. Elles se sont beaucoup investies dans leur vie professionnelle et familiale, et elles ont simplement envie de souffler, de profiter des très belles années qu’elles ont encore devant elles.
À quoi cette « jeunesse » est-elle due ?
À l’allongement de la durée de vie.
À 50 ans, si tout va bien, on a encore devant soi quasiment 40 ans à vivre. Autrefois, c’était la dernière tranche, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Certaines personnes se lancent dans de nouveaux challenges, professionnels, amoureux, ou de mode de vie. C’est le moment de tous les possibles, ou de nouveaux possibles, à vivre avec d’autres, de manière joyeuse. Tout ceci sans s’opposer aux enfants, qui sont plus ouverts qu’avant.
Cela se voit dans la musique : les générations se retrouvent dans les mêmes concerts, ce qui était inconcevable autrefois. De toute façon, les gens ont plus à s’apporter en complémentarité qu’en opposition.
À 50 ans, nos parents faisaient âgés. Aujourd’hui, les cinquantenaires portent des jeans et écoutent Daft Punk…
Tout le monde a rajeuni. Certes, les gens de 20 ans ne font pas 10 ans, mais ceux de 50 en font 35 et ont devant eux de nombreuses années à vivre, sont en bonne forme. Il y a un flou générationnel : à 25 comme à 50 ans, on peut avoir des problèmes professionnels, ou chercher un sens à sa vie. Avant, ceux de 25 ans avaient leurs problèmes, ceux de 50 ans les leurs. Désormais, il y a plein de choses en commun, des situations semblables. Il y a plus de réciprocité, d’échanges. Et si l’on se retrouve moins dans les événements obligés comme les fêtes de famille, on se retrouve davantage dans des événements choisis. Pas tout le temps, mais à certains moments.
On arrive à dater ce phénomène ?
C’est actuel. Ce sont les cinquantenaires d’aujourd’hui, pas ceux d’il y a dix ans. Les gens de 50 ans d’aujourd’hui découvrent qu’ils vont vivre longtemps. Ceux d’hier ne le savaient pas.
Les personnes qui ont recours à la chirurgie esthétique sont-elles des quinquados, ou est-ce un autre sujet ?
Quand on a trop recours à la chirurgie esthétique, cela indique que l’on n’est pas à l’aise avec son âge. Mais si l’on enlève juste trois rides, c’est parce que l’on a envie de plaire, à soi ou aux autres. Ce sont des petites choses qui permettent d’être mieux dans son corps et sa tête, et cela arrive à des gens de 20 ans…
En résumé, est-ce une bonne chose d’être quinquado ?
C’est positif. Autrefois, avancer en âge, c’était augmenter le nombre d’interdits : « Je n’ai plus le droit de faire ci, je ne peux plus faire ça. » Aujourd’hui, avancer en âge, c’est avancer en maturité et en quête de sens. Il y a des choses qu’on ne peut plus faire, mais beaucoup d’autres que l’on peut encore faire. Et en prenant soin de son corps, refaire des choses dont on ne se croyait plus capable…