Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

« À la base, ce n’est pas complètement idiot »

Quelle différence entre syllogomanie et syndrome de Diogène ?

Le syndrome de Diogène induit quelque chose de sale, d’insalubre. La syllogomanie, c’est plus l’accumulation d’objets, mais sans forcément d’insalubrité. Ce ne sont pas toujours les mêmes patients.

Qu’est-ce que cela cache ?

Garder des grandes quantités d’objets s’explique parfois par un attachement sentimental, mais ce n’est pas de la syllogomanie. Par exemple, garder toutes les photos de ses grands-parents décédés. Il n’y a pas d’accumulation, les objets étaient déjà là, on ne va pas en acheter en plus. En revanche, quand on garde plusieurs aspirateurs qui n’aspirent plus, il n’y a pas de raison valable. Derrière, il y a souvent des troubles anxieux, la peur de la ruine, la peur de manquer, ou des TOC, voire des éléments psychotiques : j’ai visité des appartements avec trois mètres de déchets accumulés. Il peut aussi s’agir de signes de démence. Dans ce cas, les gens gardent tout. Certains gardent tous les sacs plastique depuis 50 ans.

Sans aller jusque-là, garder des objets inutiles va-t-il de pair avec la place que l’on a chez soi ?

Pas forcément. Même dans les petits appartements, les gens vont garder certaines choses qui leur paraissent importantes au détriment d’autres choses. J’ai vu un monsieur atteint de TOC qui gardait les magazines, tous les magazines, de peur de passer à côté d’une information importante.

Est-ce que cela touche une partie précise de la population ?

Oui, ceux qui ont peur de manquer (je ne parle pas des troubles psychiatriques). Cette peur apparaît soit parce qu’ils ont de bonnes raisons, soit parce que c’est un trouble anxieux. Comme souvent, il y a à la base un truc pas complètement idiot. En Occident, on pense souvent qu’on ne va manquer de rien, mais qu’est-ce que l’on en sait ? Avec la Covid, on se rend compte que les chaînes d’approvisionnement sont hyper-fragiles. À juste titre, certaines personnes vont se dire : est-ce que l’on peut faire à ce point confiance à la société ? Les personnes qui ont connu des guerres, ou des situations graves, sont conscientes de la fragilité de la société et que tout peut rapidement dégénérer. En Grèce, en 2008, les banques ont fait faillite et les gens se sont retrouvés sans économies.

Les gens qui, lors des crises, se ruent sur les rayons de farine ou d’huile sont-elles syllogomanes ?

Est-ce exagéré ou pas ? En cas de crise, faire des stocks de nourriture, c’est adapté. En mars, on ne savait rien de la durée du virus. Dans les grandes villes, on est très dépendants des éléments extérieurs. Si elles ne sont plus approvisionnées, cela va poser un problème pour ceux qui n’auront pas fait de provisions.

Le confinement a-t-il eu un impact sur les syllogomanes ?

Je dirais non, car les gens atteints de syllogomanie sont déjà en-dehors de la réalité. Ils accumulent sans raison.

Au contraire, des personnes sont maniaques du rangement…

C’est différent, ce sont des obsessionnels. On peut être les deux. Tout dépend sur quoi porte l’obsession. Le patient qui gardait les magazines voulait qu’ils soient là car il craignait de ce qui allait se passer s’il s’en séparait. Peu importait qu’ils soient propres et rangés.

Témoignage
Le docteur Nicolas Neveux est psychiatre à Paris, spécialiste en thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et thérapie interpersonnelle (TIP). Il est l’auteur du site www.e-psychiatrie.fr.

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