Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

ABADELKADER DAMANI SAGE EN TURBULENCES

DIRECTEUR DU FRAC DEPUIS SEPTEMBRE DERNIER, CE FÉRU D’ARCHITECTURE, D’ART ET DE PHILOSOPHIE EST UN DOCTE PLEIN DE TACT…

 

« Si vous voulez que les gens vous aiment, vous les invitez à dîner ». Cet aphorisme plein de bon sens, Abdelkader Damani l’adapte au FRAC, qu’il veut ouvrir à un public qui a encore du mal à s’approprier l’édifice. À condition de « respecter » les lieux, des entreprises sont ainsi invitées à y organiser des réceptions, tandis que les particuliers peuvent désormais louer des oeuvres de « l’une des plus belles collections du monde ». Un vent nouveau semble souffler sur le FRAC : il vient de l’oued et tranche avec l’image d’élitisme qui colle à l’endroit. La devise de Abdelkader Damani est d’ailleurs révélatrice : « À quoi me sert une connaissance que je garde pour moi ? » De connaissances, pourtant, il en a à revendre. Mais n’a pas à les démontrer : là se trouve la richesse des vrais érudits. La philosophie, qu’il a apprise au cours de ses études, l’a convaincu qu’il « fallait toujours remettre en cause l’évidence ». Platon n’aurait pas dit mieux : en état de virginité permanente, l’on est toujours éveillé. « Je n’attends pas que les gens viennent vers moi et j’essaye d’être attentif au monde », clame-t-il sans déclamer. Abdelkader Damani est un chaleureux qui ne se force pas à être sérieux et rit spontanément, un volubile qui taille pourtant dans le fumeux. Malgré son passage au Couvent – pas n’importe lequel, celui de la Tourette, dessiné par Le Corbusier – il n’a pas fait voeu de silence, bien au contraire, souhaitant même que « la parole s’installe » au FRAC. Ce plaisir – plus que ce besoin – de s’exprimer lui a été donné par son grand-père, adepte de la poésie chantée. « Il m’a transmis l’amour du parlé », dit Abdelkader Damani à propos de son aïeul, Algérien comme lui, originaire d’une région aux frontières du Sahara habitée par des peuples nomades. « Ces origines sont fondamentales pour moi. J’en ai gardé la capacité de passer d’un domaine à l’autre. J’ai un pouvoir d’adaptation exceptionnel. » Qu’il a mis à l’épreuve en 1993, lorsqu’il a dû quitter une Algérie en proie à la guerre civile après sept ans passés à Oran – une « ville cosmopolite par référence » – qui lui font dire, d’ailleurs, que « l’identité de souche est une ânerie ». Ce départ soudain de son pays natal, même s’il a pu y retourner huit ans plus tard, n’a pas fait de lui un déraciné. « Je n’ai pas de sentiment de flottaison. Je fais de la terre entière ma demeure », conclut, bien dans le ton, ce grand explorateur de l’âme.

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