Se battre contre le cancer est une course d’endurance avec en guise de ligne d’arrivée la guérison. À ce titre, la libido est souvent mise entre parenthèses le temps de la maladie : quand ce n’est pas par manque de temps, c’est par pudeur que le sujet est évité. Ambre Blanes
Désir
Dans le cadre d’un cancer féminin (sein, col de l’utérus), les femmes souffrent d’une désexualisation qui rend leur libido accessoire : du fait du traitement, les muqueuses sont asséchées rendant la lubrification difficile et les hormones bloquées, annihilant la libido (on parle de pré-ménopause). La fatigue physique est si importante et l’image de soi tant impactée que l’envie disparaît. Le désir peut toutefois surgir : on s’étonne moins de sa disparation que de son apparition. En parler est vital car cela permet de se projeter dans l’après-cancer. D’après le Dr Elise Champeaux-Orange, onco-radiothérapeute à l’Hôpital d’Orléans, « les femmes sont majoritairement curieuses ; éviter le sujet c’est risquer un dommage collatéral pour la suite ». Le sexe peut même faire l’effet d’un arrêt à la buvette sur le temps de la « course d’endurance ». L’inquiétude majeure demeure « est-ce normal, ai-je le droit d’y penser ? Et après ? ».
Comment s’informer ?
La documentation délivrée par l’établissement de soins explicite tout ce qui va perturber la féminité (prise de poids, perte de pilosité, irritabilité, bouffées de chaleur) mais elle généralise la question au détriment de l’environnement ou de la sensibilité de la patiente. Il n’existe pas de formation pour inciter les professionnels de santé à accompagner les femmes dans leur libido le temps du cancer, ni d’atelier qui y soit spécifiquement dédié : si besoin est, elles sont redirigées vers un sexologue ou un groupe de parole, ce qui inhibait Sandrine, 47 ans, atteinte d’un cancer du sein : « Chaque fois que j’échangeais avec d’autres femmes, j’entendais parler de récidive, si bien que je n’aurais pas été à l’aise au sein d’un groupe de parole. À quoi bon être tirée vers le bas par les mots des autres ? Je craignais de susciter de la jalousie, du jugement du fait de ma sexualité très épanouie avec mon mari avant le cancer ».
Le rôle du conjoint
Sa tendresse est vitale pour apaiser le corps meurtri. À défaut de paroles, il/elle peut prodiguer caresses et soutien psychologique en assistant aux séances. À un moment où l’on ne s’aime plus et où l’on ne se reconnaît plus, maintenir le lien affectif redonne confiance en soi et permet de reprendre le train en marche par la suite. Le conjoint aussi peut souffrir d’incompréhension et d’abandon, de sorte que la pudeur qui s’installe nécessite une communication sensible. Si son désir demeure et même s’il déroute, il est important de l’accepter positivement, sans toutefois y répondre par obligation mais uniquement si l’envie est réciproque.
Renouveau
L’oncologue suggère de favoriser tout « ce qui fait du bien, fait se sentir en vie ». L’hôpital d’Orléans propose des séances de sport gratuites réservées aux patients atteints de cancer pour qu’ils éprouvent une bonne fatigue en se dépassant sans crainte du regard extérieur mais il existe d’autres activités selon les régions comme la sophrologie ou la méditation (consulter e-cancer.fr ou ligue-cancer.net).
Si le travail de reconstruction face au corps traumatisé peut être long, on finit par se réapproprier son énergie sexuelle, même sous une autre forme : « La question se pose d’un renouvellement de la sexualité après le cancer.
On identifie quelque chose qui ne nous convenait pas ou nous manquait auparavant, ça peut être une vraie révolution (modèle relationnel) comme un détail, comme une cessation », explique Elsa Maclou, thérapeute du féminin sur Orléans.
Prendre conscience que le corps féminin est soumis à une phase de sa féminité qui ne résume pas la sexualité de l’individu, ne pas réduire son identité de femme aux aléas de la libido, accepter que la sexualité ne sera peut-être plus jamais la même et surtout s’écouter, ne pas condamner les pulsions sexuelles, ni les forcer : voilà les clés pour se réconcilier avec sa libido le temps de la maladie.
S’informer
Ligue Contre Le Cancer
44, avenue Dauphine, 45100 Orléans
02 38 56 66 02
Elsa Maclou, thérapeute du féminin,
www.elsamaclou.com
06 51 26 91 45.
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