Lycéen en terminale L (option cinéma) à Pothier, Julian Deschamps, membre du jury lors du Festival de Cannes 1939 (12 au 17 novembre), a pleinement profité de son expérience. Projections, discussions, rencontres ont nourri une culture historique et cinématographique fort utile : le jeune homme de 17 ans se destine au métier de réalisateur…
Quel était votre rôle sur ce festival ?
Je faisais partie du jury lycéen, avec 14 autres jeunes de la région choisis sur lettre de motivation. On devait regarder 12 films de la sélection et en primer un dans les catégories suivantes : « Réalisation », « Œuvre dans son temps », « Coup de cœur ». On a primé respectivement Mr Smith au Sénat, L’enfer des anges et Le magicien d’Oz. À part les projections, nous avons rencontré des professionnels, comme Amos Gitaï, qui nous a parlé du métier. Tout cela n’a fait que confirmer mon envie d’être réalisateur.
Connaissiez-vous certains de ces films ?
Le seul film que j’avais vu tout petit était Le magicien d’Oz. Le reste était une totale découverte. Notamment Mr Smith au Sénat, qui avait tout pour décrocher les Oscars. Mais cette année-là, c’est Autant en emporte le vent (NDLR : non sélectionné au festival) qui a tout raflé. Ici, L’Enfer des anges, de Christian-Jacque, centré sur la pauvreté des enfants de l’époque, a touché tout le monde. D’autres films ont mal vieilli, comme les films soviétiques de propagande. Certains m’ont même fait rire…
“Tout cela n’a fait que confirmer mon envie d’être réalisateur”
Hormis les films de cette année particulièrement riche, il y a l’histoire de la première édition de ce festival qui n’a pas pu avoir lieu. Le saviez-vous avant novembre ?
Je m’étais intéressé à Jean Zay auparavant, mais on nous a beaucoup expliqué tout au long du festival comment celui-ci avait été conçu en 1939, à qui il s’opposait. En plus, nous avons rencontré la fille de Jean Zay, Hélène Mouchard-Zay, qui nous a présenté le contexte historique. C’était passionnant.
Cela aurait dû être le « festival des nations libres », démocratiques. Avez-vous ressenti cette liberté dans la sélection ?
Oui et non. Comme j’ai dit auparavant, il y avait des films de propagande russes, comme Lénine en 1918, et je ne trouve pas qu’il y ait trop de liberté dans ces films-là. Dans d’autres oui, énormément : liberté technique dans Le magicien
d’Oz, liberté de ton dans Mr Smith au Sénat, qui parle de corruption. Autre exemple, celui de L’homme du Niger, qui se passe dans les ex-colonies françaises. Il y avait beaucoup de racisme envers les Noirs à l’époque. Or, dans ce film, le personnage principal, un médecin (Harry Baur), est très humain, et tout est filmé (par Jacques de Baroncelli) avec beaucoup d’humanité. Et avec une liberté énorme.
Que garderez-vous personnellement de ce festival ?
J’ai appris énormément, sur la manière de faire des plans, des scénarios, qui à l’époque étaient extrêmement bien rédigés. Et on a échangé à la fin avec Bertrand Tavernier, Alex Lutz. Que du plus pour mon projet professionnel.
Propos recueillis par Sébastien Drouet