Ce peintre orléanais a exposé jusqu’au 7 novembre dernier ses oeuvres récentes et portraits variés au magasin Onze mètres carrés. Rencontre.
À dix heures et demi du matin, il vient ouvrir la porte de chez lui, un peu dans le cirage, pas bien réveillé. Boit un café, se roule quelques cigarettes et murmure doucement ses réponses, les yeux à moitié ouverts, semblant flotter dans l’air. « Je suis plutôt sauvage », finira-t-il par avouer. « Pour moi, tout est dit en trois mots… » Insaisissable, secret, peut-être les deux. Cédrick Vannier préfère faire parler ses mains, qui s’agitent autour des pinceaux depuis une quinzaine d’années. Paysages, natures mortes ou scènes de genre : le garçon a quelque chose d’un peintre à l’ancienne. Pour trouver une forme de filiation – lubie du journaliste – on en vient à causer de Hopper. « Peut-être, mais dans sa période de jeunesse », rectifie l’artiste, pas franchement convaincu. Lui, de toute façon, paraît se foutre royalement des références, « autodidacte » en pratique malgré des études à l’IAV d’Orléans puis aux Beaux-Arts de Bourges. « On m’a dit là-bas, à une époque, que je faisais de la peinture du dimanche », sourit-il rétrospectivement.
Comment en arrive-t-on, alors, à finir par exposer à Londres ? « J’ai fait des erreurs au départ, j’ai appris », énonce-t-il. Ses premières oeuvres, ils les affichent « dans les bars, à l’arrache », puis dans des lieux plus conventionnels, au début des années 2000. Vient aussi la rencontre avec Gil Bastide, à Orléans, qui le soutient et l’expose à plusieurs reprises. « Il n’a jamais lâché personne », dit ainsi Cédrick Vannier de l’ancien galeriste de la rue de Bourgogne. Les commandes arrivent aussi, émanant de particuliers, d’entreprises, et de quelques événements majeurs, comme l’affiche de l’Open d’Orléans, cette année. « Ça ne fait pas de moi le peintre du sport », tient-il pourtant à préciser. En fait, il serait plutôt le peintre du dénuement, des gens et surtout des visages, qu’il croque avec un talent et une verve qu’il a sans doute appris, avec l’âge, à domestiquer. « J’étais un peu tout fou », avance-t-il en dévoilant toutes ces « têtes » qu’il a posées sur la toile depuis des années. Elles rassemblent des anonymes, des gueules dans leur plus simple expression. « Le plus compliqué, c’est ce qu’il y a dans les yeux », exprime pourtant Cédrick Vannier. Les siens, curieux paradoxe, paraissent un peu perdus entre ici et ailleurs, sans flamme ni tristesse : évanescents. On finit alors par lui demander s’il se sent bien dans ses baskets. « Ouais…, répond-il. La peinture m’a donné un peu d’assurance, de confiance. Après, chacun son rythme… » Et son sens de la mesure.
Et l’avenir ?
« J’en sais rien… Je me vois ici, avec un minimum de suivi, et que l’envie reste. Peut-être développer sur d’autres lieux des choses plus larges, en testant et utilisant tout ce qui est disponible aujourd’hui. Il faut s’adapter, éviter de rester dans son coin, s’ouvrir. »
Beaux-Arts
« C’était chouette. Au départ, j’étais dans l’architecture intérieure, le design. Après, à Orléans et Bourges, on faisait surtout la fête. Il faut du temps pour mûrir. »
Grand timide
« L’école ? Ce n’était pas l’horreur absolue, mais disons que je me suis toujours fait discret… La foule, tout ça… Quand j’ai commencé à peindre, je n’arrivais pas à annoncer un prix de vente. Aujourd’hui, ça va déjà mieux. »
Du temps…
« Je travaille surtout le soir, quand je suis sûr qu’il n’y aura pas de visites. J’ai besoin de temps pour me mettre dedans. Ça peut être facile de se laisser aller, alors il faut tout de suite enchaîner… »
…et de l’argent
« Des fins de mois difficiles ? Ça peut arriver, oui, mais je ne le dis jamais : il faut toujours réussir à être positif. J’ai fait des petits boulots, en lien avec la peinture. Et puis j’ai aussi donné des cours dans des assos. Mais je ne suis pas très pédagogue… »
Bio express
01/09/1974 : naissance à Orléans
2003 : première expo personnelle à la galerie Wall
2010 : lauréat du prix de peinture Claire Combes de la Fondation Taylor