Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

Cyberinomane

Au risque de me faire traiter de « vieux c… », je dois avouer que le monde a bien changé. En quelques décennies, il s’est transformé en un pathétique « junkie ». Le monde qui, jadis, s’affichait avec un pétard anarchiste au bout des lèvres, faisait l’amour par milliers sur les îles du Pacifique et la révolution en lançant, en meute, des pavés dans la mare, ce monde-là est devenu un pauvre hère solitaire qui se désociabilise plus vite que son ombre. Le monde ne sourit plus, il se shoote. Hier encore, j’ai dû supporter ses addictions misérables. Attablé au restaurant avec un ami, j’ai attendu un bon quart d’heure que le facebookïnomane « décroche » et redescende lentement de son « cyber-nirvana ». Visiblement, je n’étais pas l’ami avec lequel il souhaitait partager son déjeuner. La virtualité des 450 autres qui s’affichait sur son smartphone le séduisait plus que ma réalité. Je le voyais dodeliner mécaniquement de la tête, les yeux rivés sur son écran, entre deux de mes phrases. Puis les plats sont arrivés. Mon ami m’a dit sans me voir : « Désolé, encore un dernier truc, promis ! » En clair : « Je m’envoie encore quelques cyber-lignes de tweet dans le nez et je suis à toi. » Alors, j’ai mangé seul et je suis parti, renvoyant mon cyber-pote au cyber-plote. La cyber-addiction est partout. Comme un refuge. Comme un enfermement égoïste qui évite de se confronter au monde. Smartphone, réseaux sociaux, cyber-sexe, tchat, e-shopping, télétravail, jeux en ligne, web-fitness… On drague, on baise, on fait les magasins, on bosse, on se muscle, on sort, on se rencontre désormais sur internet. La « box » est devenue l’objet le plus important de notre vie. La raison de notre existence. La pièce principale de notre maison. Notre dépendance y est totale. Nous y sommes soumis comme des rats de laboratoire à l’héroïne. Elle est une seringue au bout d’un tube, une perfusion qui nous inocule de ses bits nocifs. Le bad-trip, c’est la « box » en panne ou l’absence de réseau ! « Putain ! Je ne capte pas ! » Alors c’est la panique ! La crise de folie. Vite ! Notre dose, là, tout de suite. Le manque est immédiat. Cruel. On se lève, on plante ses convives, pour aller chercher sa came un peu plus loin, dans un coin où – ouf, sauvé ! – on capte. Car c’est insupportable d’imaginer que, tout à coup, il aurait fallu lever les yeux, poser son portable sur la table une minute et renouer avec la vie.

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