BERTRAND DICALE, JOURNALISTE ET CHRONIQUEUR SUR FRANCE INFO, CONNAÎT MILLE-ET-UNE ANECDOTES SUR LA MUSIQUE ET LA CHANSON FRANÇAISE. S’IL ASSURE QUE LE CONCEPT DE « TUBE DE L’ÉTÉ » N’EST PAS MORT, SON ÂGE D’OR ET LES INFOS LES PLUS INTÉRESSANTES DATENT TOUT DE MÊME D’UNE AUTRE ÉPOQUE…
À QUAND REMONTE LE PREMIER TUBE DE L’ÉTÉ ?
Ce terme est né dans les années 50, mais dans la réalité, le tube de l’été en tant que tel survient dans la première moitié des années 60. Un des plus symboliques serait « Aline », de Christophe, qui répond à la définition canonique du tube de l’été : une chanson qui a du succès pendant l’été, et surtout à l’automne. Le tube de l’été doit rester suffisamment longtemps pour entrer dans l’histoire… et dans le classement des ventes.
EST-CE UNE INVENTION FRANÇAISE ?
La saisonnalité dans les industries culturelles est française. La rentrée littéraire par exemple, n’existe qu’en France. On a plus ou moins modélisé des calendriers pour les tubes de l’été, mais là, ne vous inquiétez pas, tous les tubes sont d’ores et déjà connus (lire l’encadré page précédente). Ils sortent en mars-avril. Quand un artiste est déjà installé, il peut cependant se permettre de sortir son single en mai, voire en juin. La capacité de réponse d’Internet a réduit un peu le temps. Il y a toutefois un paradoxe : avec les moyens actuels, on peut sortir un titre tard, mais il vaut mieux le sortir tôt pour convaincre les programmateurs, de plus en plus frileux.
LES MAISONS DE DISQUES S’Y RETROUVENT-ELLES ? MISENT-ELLES ENCORE SUR LES TUBES DE L’ÉTÉ ?
De plus en plus. Les flux les plus importants sont réalisés sur des singles. Peu importe qu’il n’y ait plus de 45-tours. Le streaming est potentiellement une activité aussi profitable que l’a été le 45-tours, en termes de marges. Vous faites un single, vous le produisez, vous le surproduisez, vous investissez dans la promo numérique. Quand vous en êtes à 10 millions d’écoutes en streaming, vous vous dites que vous auriez pu ajouter un orchestre symphonique, vous vous y seriez retrouvé !
CERTAINS TUBES NOUS RENSEIGNENT-ILS SUR L’ÉTAT DE LA SOCIÉTÉ, SUR L’AMBIANCE GÉNÉRALE ?
Beaucoup plus souvent qu’on ne pense ! Sans que ce soit fait consciemment par les artistes, d’ailleurs. Il y a des trucs dingues. Par exemple : « Hello, le soleil brille », d’Annie Cordy, sur la musique du Pont de la rivière Kwaï. C’est donc, à la base, un air militaire sifflé par des mecs. Annie Cordy lance en avril 1958 une chanson qui n’a rien à voir avec la guerre. Mais ça arrive étonnamment l’année où de Gaulle prend le pouvoir. « Les fiancés d’Auvergne », sur la France de toujours, date de 1962, l’année où la France perd sa dernière colonie, l’Algérie.
Y A-T-IL EU DES SURPRISES, BONNES OU MAUVAISES, DES CHOSES INCROYABLES ?
Un tube de l’été coûte rarement cher, il n’y a pas de catastrophe. Les maisons de disques, de toute façon, lancent plusieurs styles en même temps. Mais généralement, elles ne les produisent pas, ce sont des titres qu’elles ont en licence, produits par des indépendants dans leur labo. Le single français qui s’est le plus vendu est un single d’indépendant : « La danse des canards, » tube de l’été, de l’automne, de l’hiver au début des années 80. Ça a tout écrasé, ce que personne n’aurait pu prévoir.