Entre deux long séjours en Chine, le photographe Didier Louineau s’est arrêté quelques temps à Tours, pour y exposer et y préparer des livres. Une grande partie de son oeuvre s’appuie sur la mise en lumière des peuples méconnus.
Il rentre dans le café de la place Plum’ tout sourire, une tablette à la main. À l’intérieur de cet objet dernier cri, un trésor : d’innombrables photos de peuples lointains qu’il a lui-même réalisées en s’installant, pendant des mois, des années, à leurs côtés. Les Chinois musulmans, par exemple : devant nous défilent d’incroyables images de mosquées parfois gigantesques, de salles de prière, d’écritures arabes et chinoises presque mêlées, de pratiquants peu effarouchés. « J’ai eu la possibilité de photographier tout ce que je voulais, y compris pendant la prière, se réjouit Didier. J’ai pu interviewer des imams. Où que ce soit ailleurs dans le monde, on ne m’aurait pas ouvert les portes. »
Les derniers Romanov
Didier Louineau est arrivé à la photo par le cinéma. Membre de l’équipe des Rencontres internationales Henri Langlois, il a dû se rendre, pour trouver des films à présenter, en Russie. Il n’a pu résister longtemps à l’attrait de la Chine voisine, pays pour lequel il a eu un véritable coup de foudre. À Hong-Kong, il crée une société de distribution de films indépendants. Il y reste trois ans et suit son ex femme diplomate en Pologne, en Allemagne. Plus tard, il retourne en Chine, puis quitte tout pour la Sibérie, se pose à Ekaterinbourg, « là où sont morts les Romanov. J’y ai vécu une expérience fabuleuse, mais les habitants de Sibérie sont des gens difficiles à photographier ». La photo… C’est assez récemment, finalement, qu’il en a fait son activité principale. Juste après Berlin : « J’ai alors vécu deux ans à Chengdu, au pied du plateau tibétain. L’idée était d’aller vers les autres. La photo était un moyen d’entrer en contact avec les gens. » Avec les peuples méconnus, mais aussi, à travers les expositions, avec les Tourangeaux un peu curieux d’ailleurs…
Des projets ?
« Je vais travailler sur les Juifs chinois qui, contrairement aux Musulmans (environ 40 millions), sont une toute petite communauté de 2 ou 3 000 personnes. Je vais aussi me pencher en Sibérie sur les Vieux Croyants, des orthodoxes persécutés pendant des siècles à la suite d’un schisme. »
Un regret ?
« Celui de ne pas avoir travaillé sur le vide d’humains. Je ne faisais pas encore de photo quand je vivais en Russie, mais je me souviens de ces villes désertées, avec ces immenses bâtiments qui menaçaient de tomber en ruine… »
Sa plus grande émotion
« J’en ai connu beaucoup, mais parmi les dernières, je dirais les ablutions pour entrer dans la mosquée de Xian, en Chine. Je ne suis pas croyant, mais c’était un moment de partage, et j’ai compris comment on entre vraiment dans une communauté. »
Bio express
4 AVRIL 1963 :naissance à La Rochelle
1993 : part en Russie à la recherche de films
1995 : installation à Hong-Kong
1998 : part vivre en Pologne, puis en Allemagne
2006-2008 : installation en Chine, à Chengdu (Sichuan) ; débute la photo
2008-2010 : la Sibérie
2010-2014 : de nouveau la Chine