Si vous ne vous en étiez pas encore aperçus, la révolution numérique est en marche. Cette tendance risque-t-elle de lobotomiser nos enfants ? L’Académie des Sciences a répondu à cette interrogation, beaucoup plus subtile qu’elle en a l’air.
C’est la version de quatre chercheurs de l’Académie des Sciences, qui livrent dans un petit ouvrage sommaire une autre lecture du sujet et battent en brèche quelques idées reçues. Ainsi sur les jeux vidéos, généralement mal perçus par les parents, la réflexion prend un contre-pied marquant : « Certains d’entre eux améliorent les capacités d’attention visuelle et de concentration, et facilitent, grâce à cela, la prise de décision rapide. Les jeux en réseau peuvent aussi présenter des effets bénéfiques de socialisation. »
Les écrans ne seraient donc pas forcément les nouveaux grands Satan du XXIe siècle. En fait, selon la réflexion des quatre intellectuels, ils peuvent être dangereux dans la mesure où l’enfant est laissé seul face à eux. C’est ainsi que les chercheurs déconseillent fortement, pour les bambins de deux à trois ans, une « exposition passive devant la télévision, sans présence humaine interactive et éducative ». L’éducation numérique : un point sur lequel il faut insister, puisqu’il permettrait à l’enfant de « s’auto-réguler », notamment concernant le temps passé devant l’écran. Une nécessité qui devrait, selon les chercheurs, être encore plus prégnante à l’école, mais aussi dans le cercle familial. Le livre invite ainsi les parents à échanger de façon soutenue avec leurs enfants sur le temps à passer devant l’écran, sur les contenus visionnés, ou sur les technologies permettant de les visionner. Préférons « la pratique du dialogue plutôt que de l’interdiction », préconisent-il clairement.
Ne pas crier avant d’avoir mal
Les auteurs de cet « avis » ne font cependant pas preuve d’angélisme. Les écrans, « capables du meilleur comme du pire », peuvent aussi représenter des dangers avérés : « Avant six ans, la possession d’une console ou d’une tablette personnelle présente plus de risques que d’avantages », indique l’Académie des Sciences. À l’adolescence également, alors que la « maturation cérébrale n’est pas achevée », une exposition trop longue peut se révéler problématique. De même, surfer trop longtemps sur le web pourrait entraîner le développement d’une « pensée “zapping”, appauvrissant la mémoire et les capacités de synthèse. » Sur tous ces sujets, l’urgence est surtout d’être plus fin que les poncifs dont on nous rabat les oreilles, l’état des recherches scientifiques ne permettant pas encore d’écrire des vérités inscrites dans le marbre… Ou sur l’écran.
A LIRE
L’enfant et les écrans, un avis de l’Académie des Sciences. 270 pages, 17 €