Alors qu’une partie de l’Espagne se déchire, autour de la Catalogne, nous avons rencontré Francesca, orléanaise d’adoption et catalane d’origine. Marie-Zélie Cupillard
Quand je relis mes notes, j’entends encore l’accent chantant de Francesca, pétillante quinqua, Européenne convaincue. Quand elle arrive à Paris pour intégrer l’école du Louvre, elle n’a que 20 ans. Amoureuse de la France et du design, elle s’y installe. Aujourd’hui, Francesca est directrice stratégie et développement à Paris, dans le plus grand groupe européen de mobilier contemporain, et vit à Orléans depuis 7 ans.
La double vie de Francesca
Femme d’affaires dans les beaux quartiers parisiens et épouse d’un agriculteur beauceron, elle a dû faire face au regard des autres. D’un côté, les Parisiens qui sont restés sur le cliché du monde agricole « on m’a déjà demandé de rapporter des œufs frais de chez moi ! » s’amuse-t-elle. De l’autre, le regard des Beaucerons (quand ils habitaient à Saint-Péravy-la-Colombe) sur ses tailleurs à la sortie de l’école. « Je n’ai rien fait pour être acceptée, j’étais étrangère, divorcée avec un enfant et grande gueule ! Mes enfants aimaient la vie à la campagne, c’était le principal, mais quand nous sommes arrivés à Orléans ils goûtaient à la liberté de bouger tout seuls ». Aujourd’hui sa vie de femme est à Orléans : « là où on est bien, est votre maison » dit-elle.
Petit retour sur ses origines
Née à Palma où elle a grandi aux côtés d’un père artiste peintre et d’une mère commerçante. Si Francesca parlait catalan depuis sa plus tendre enfance, ce n’est qu’à 17 ans qu’elle découvre le catalan littéraire et apprend à l’écrire. « Le catalan, ce n’est pas un patois : c’est une langue, une culture, des écrivains… Mais sous Franco, de 1939 à 1974, on était obligé de parler castillan. Après des années de centralisation, l’autonomie est venue avec la démocratie, dont Juan Carlos a été le garant » souligne Francesca.
Son regard sur la catalogne
Francesca est dans une incompréhension totale, elle qui est profondément européenne et s’étonne : « est-ce qu’un peuple ne peut pas exister au sein d’un pays ? » Elle considère que Carles Puigdemont, le chef du gouvernement catalan, est à la tête d’une sorte de « mouvement romantique » qui entraîne les gens dans une vague, mais qu’il y a une grande part d’improvisation :
« c’est du populisme et pas un vrai mouvement politique, pour preuve, il ne s’est pas rapproché des dirigeants européens, ni même des grandes sociétés espagnoles, qui ont immédiatement délocalisé leurs sièges sociaux. » Francesca a des amis partisans de l’indépendance, et cela crée des clivages, « la violence de la police espagnole a été une grosse erreur du gouvernement, cela ravive le souvenir de l’époque de Franco. Je suis inquiète car tout cela relève plus de la passion que de la politique.
On est un peuple, donc une nation, et je pensais que le sentiment d’être européen était plus fort. »