Au mois de juin dernier, son exploitation familiale, à Saint-Cyr-en-Val, était ravagée par des intempéries dantesques. Avant qu’une vague de solidarité ne le submerge. Récit. Benjamin Vasset
Gérard Michaud est un grand sensible. Il ne faut pas attendre longtemps, d’ailleurs, pour que ses yeux se brouillent d’un léger voile humide. Il ne craquera pas, question de pudeur paysanne. Ce ne sont pas tant les inondations de juin dernier – qui avaient noyé une part de ses parcelles – qui fendent ainsi le cœur de cette forte carcasse. Mais plutôt les réactions empathiques de ses clients qui ont fait suite, de façon indirecte ou sur les marchés. « La question qui nous était posée à chaque fois, c’était : qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider ? », rappelle-t-il. Pendant cinq mois, Gérard Michaud a d’abord refusé, pour remettre du carburant dans la machine, la solution du financement participatif. Pour finalement se laisser convaincre, un peu avant Noël. « Et puis ça s’est emballé… », raconte-t-il. La campagne de crowdfunding, lancée et relayée par de nombreux médias locaux, a permis de récolter plus de 14 000⊇⇔ auprès de 221 contributeurs, sans compter des dons plus informels. Des machines ont été financées, et La Racinerie va perdurer avec, déjà, d’autres projets en préparation… « Finalement, on a fait du développement économique », résume Gérard Michaud qui, touché, n’a pas coulé. Au cours de cette année, il s’est rendu compte que cette exploitation familiale – ses parents y sont arrivés en 1960 – comptait, était aimée. Et que la relation producteur/consommateur, nouée depuis des décennies, recelait des trésors de bienveillance. « C’est parce qu’on a aussi été, je crois, des pionniers sur beaucoup de choses : sur les libres cueillettes, sur les paniers ou sur les marchés, à une époque où plus personne ne voulait y aller. Bon, on a beaucoup été copié, mais on s’en fout ! » Ceux qui connaissent bien Gérard Michaud disent qu’il a dix idées à la minute. Pas taiseux pour un sou, l’homme a aussi très vite saisi que dans l’agriculture plus qu’ailleurs, placer tous ses œufs dans le même panier était trop risqué. « C’est mieux de faire 10 francs avec 10 clients que 10 francs avec un client », résume-t-il, plein de bon sens. Sous sa férule, La Racinerie s’est en effet diversifiée, internalisant par exemple une conserverie pour valoriser des légumes à la gueule cassée. Adjoint au maire de Saint-Cyr-en-Val depuis une quinzaine d’années, mais aussi président de l’association des marchés de l’agglo d’Orléans, il jouit d’un épais réseau qui s’est donc bruyamment manifesté, cette année, lors de cette passe délicate. Il ne le remerciera jamais assez. Le bonheur est dans le près.
Bio express
1er /05/1960 : naissance à Orléans
1979 : obtient son BTS maraîchage
2007 : lance les paniers de La Racinerie
2012 : crée une conserverie
Ses racines rient
« Mes parents sont arrivés ici en 1960, on a connu que ça avec mes trois frères et sœurs. On a toujours été des sortes d’Astérix de l’agglo, mais on a toujours été ouvert sur le monde, à s’inspirer des idées des uns et des autres, à mutualiser aussi quand c’était nécessaire. »
Esprit d’équipe
« Le sport nous a beaucoup aidés, le hand mais surtout le rugby. S’il y a un sport qui est important, c’est celui-là. Parce que sur un terrain de rugby comme dans une exploitation, tu ne peux jamais rien faire sans l’autre. »
Liberté de choix
« Un temps, il était question que je sois prof de gym ou que je fasse une formation dans l’informatique. Je n’ai pas été forcé à reprendre l’exploitation, mes parents nous ont toujours laissé une liberté incroyable par rapport à nos projets. »
Tout proche…
La Racinerie propose aux consommateurs une activité de cueillette à domicile, mais aussi un système de livraison de paniers de légumes à domicile ou sur le lieu de travail. Un « drive paysan » est également actif. Sans parler de la conserverie, avec quelques délicieux breuvages à déguster sans modération…
C’est quoi le meilleur ?
« Nous faisons de la culture raisonnée, mais il ne faut pas opposer les systèmes de production. La preuve : dans mon labo, je transforme même pour des producteurs bios ! Moi, ce qui m’intéresse, ce sont les systèmes de commercialisation, afin de produire pour les gens qui sont là, localement ! »