L’ancien présentateur du 20 heures de TF1 et de France 2 (pendant treize ans !) signe une réjouissante fiction politique. Amateur de bons mots, cet observateur autorisé du monde politico-médiatique s’est fait plaisir en rédigeant, et ça se voit ! Propos recueillis par Sébastien Drouet
Dans Élysée Academy, les candidats à la présidentielle participent à une émission de télé-réalité d’où sortira le nouveau chef de l’État. Comment vous est venue l’idée de ce roman ? En regardant certaines émissions actuelles ?
Oui et non. J’ai commencé à l’écrire il y a plusieurs mois, et je n’avais pas vu venir des émissions du style Karine Le Marchand ou autres. Ça n’a fait que conforter mon délire en me disant que j’étais dans la bonne voie. Je devais rendre ma copie à l’éditeur début décembre et heureusement, Hollande a eu la bonne idée d’annoncer dès le 1er décembre qu’il renonçait. Ça m’a permis de faire entrer notre ami Manuel dans le loft…
Hormis l’histoire bien sûr, les relations entre les personnalités, leurs traits de caractère, les anecdotes, les surnoms, sont-ils réels ?
Ce qui est jouissif et rigolo, et qui est un vrai travail de rédaction, c’est de collecter des anecdotes vraies et de tripatouiller tout ça pour en faire quelque chose qui tienne la route. À un moment, je fais dire à madame Macron, lors d’un dîner, « Quand on me demande si Emmanuel pourrait attendre 2022 ou 2027 pour se présenter, je réponds : “Pour moi, c’est maintenant parce qu’après c’est ma gueule qui posera problème !” » Elle l’a vraiment dit. Ça n’aurait eu aucun intérêt pour moi d’inventer cette phrase.
Les politiques avaient-ils un comportement différent dans les années 80-90, quand vous étiez aux manettes du 20 heures ?
Ce qui a changé, c’est la peopolisation, avec des gens comme Hanouna, Yann Barthès… On est sur la pente américaine. Comme dirait Mélenchon, « la présidentielle n’est pas un concours de beauté ». Il a parfaitement raison, et il est donc complètement incohérent quand il va faire le clown dans l’émission de Karine Le Marchand.
Dans votre roman, vous parlez plusieurs fois de « Bruno Masure, pisse-vinaigre aigri ». Vous pensez être perçu comme cela par vos anciens confrères ?
Un tout petit peu. J’aime bien l’autodérision, j’accepte très facilement la critique, mais la seule qui me blesse est de me taxer d’aigreur ou de jalousie. Trois ans après avoir été dégagé de France 2, en 1997, Michèle Cotta m’a proposé de présenter le 13 heures. Mais pour moi, c’était non. Si mon objectif avait été de me montrer, j’aurais dit oui tout de suite. Comme on peut critiquer un chanteur sans avoir envie de monter sur scène, on peut tout aussi bien critiquer un présentateur sans avoir envie de prendre sa place. Je n’ai pas envie de prendre la place de Pujadas ou Elkabbach. Il y a beaucoup de très bons journalistes dont on ne parle pas ; on parle de ceux qui ont beaucoup d’ego, qui étalent leur vie dans les journaux. Ça m’agace un peu. On peut se permettre de leur taper sur les doigts, ils ont les moyens de se défendre sans problème.
Sur quel projet travaillez-vous maintenant ?
Je me repose, parce qu’à l’âge que j’ai (69 ans, NDLR), c’est un effort cérébral compliqué (rires). Je vis une retraite heureuse, je voyage, je vois des potes, je bouquine, je passe ma vie au cinéma. Certains soirs d’élections, je me rappelle l’excitation que ça procure d’être à l’antenne. C’est un exercice d’équilibriste un peu casse-gueule. J’ai alors un petit regret de ne plus être dans le cirque, mais sinon, ça ne me manque pas.
Élysée Academy, Hugo Doc, 202 p., 15 €