À 20 ANS, Clara-Charlotte est venue rejoindre la manifestation qui s’est tenue le 9 juin place du Martroi, parce qu’elle en a assez d’être moquée, humiliée, discriminée en tant que jeune femme noire.
Clara-Charlotte n’est pas arrivée en France la semaine dernière par bateau et elle ne vit pas dans une cabane au fond de la forêt ! Cette introduction peut paraître brutale, elle est pourtant en-dessous de la réalité de certains clichés qui collent à la peau des noir.es et des personnes racisées en général. Clara-Charlotte est née en France, comme ses frères et sa sœur, et comme ses parents et ses grands-parents. Et quand bien même il en serait autrement, pourquoi faudrait-il commencer par « montrer patte blanche » pour être considérée et respectée ? Clara-Charlotte est admirative du parcours difficile de Rihanna qui n’était pas prise au sérieux mais qui a fait ses preuves, mais aussi de James Brown, Nina Simone, Aretha Franklin. Aujourd’hui, la jeune fille se destine à une carrière de chanteuse sous le pseudo de Punxsher. À l’occasion de la manifestation, elle a entonné un très émouvant Feeling Good de Nina Simone.
De l’ignorance aux idées reçues
Quand Clara-Charlotte évoque sa scolarité jusqu’en primaire, elle a un large sourire, « c’était le meilleur moment de ma vie », tandis que les années collège sont marquées par les premiers comportements discriminants à son égard : « J’avais des amies qui me parlaient de mes cheveux bizarres, des mauvaises blagues sur les réseaux sociaux à propos de mon look que l’on jugeait trop classique où l’on me disait : “Mais tu ne portes pas des boubous chez toi ?” Ou encore : “Je n’imaginais pas que tu vivais dans une maison comme ça.” Ma famille est aisée, je vis dans une grande maison, ce qui ne correspond pas au schéma que l’on se fait : “Les noirs ne savent pas gagner de l’argent”. Je pense que tout passera par l’éducation car les enfants ne font que reproduire ce que leurs parents leur montrent. »
Présumée coupable
Après son BTS banque, Clara-Charlotte a décidé de se lancer dans la musique en tant que chanteuse professionnelle. Elle habite à Paris depuis un peu plus d’un an.
Il y a quatre ans, alors qu’elle venait passer une audition, elle s’est fait arrêter gare du Nord pour un contrôle d’identité : « On m’a soupçonnée d’avoir une arme blanche dans mon sac et d’avoir volé les papiers d’identité. Il a fallu qu’un policier de couleur, appelé en renfort, confirme que c’était bien ma photo, sinon ils étaient prêts à me conduire au poste ! Plusieurs fois, j’ai été suivie par le vigile chez Sephora ou au Carrefour Market près de mon lycée. Au début, je me disais : ils font leur job. » Mais Clara a compris que c’était toujours elle que l’on suivait et que comme femme noire, elle était souvent présumée coupable.
Manifester pour changer les choses
« L’Occident a beaucoup pris de l’Afrique comme source d’inspiration, que ce soit sa culture musicale, sa mode, la sculpture, la peinture, et j’ai l’impression que l’on s’est servi de l’Afrique tout en la rejetant, à travers des moqueries et du mépris. »
La grand-mère de Clara est blanche, sa mère marocaine et son père antillais, elle fait donc partie des lightskins, les peaux plus claires à qui les blancs accordent plus de « privilèges », mais cela peut parfois la mettre en porte-à-faux par rapport aux darkskins. « Cela crée des conflits à cause des différences que les blancs font entre les uns et les autres. Mais le métissage n’est pas une couleur de peau ! Je suis révoltée qu’on doive encore se battre pour des droits fondamentaux, être noir.e n’est pas un crime, être racisée non plus ! Je suis fatiguée de voir des discriminations gratuites, des accusations non fondées. En ce moment dans le métro, les gens s’éloignent systématiquement des asiatiques ! »
Marie-Zélie Cupillard