Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

L’amour avec des si

D’abord on a 20 ans. On frime, on fait la roue, on glousse comme un dindon, on se trémousse dans des boîtes de nuit comme des primates ridicules. King Kong du samedi soir, on bombe le torse pour éliminer la concurrence. On fait l’intéressant, le beau, l’irrésistible. Le méchant. On parade. Amoureusement. Instinctivement. Pour la survie de l’espèce. La femelle rougissante s’approche, attirée par le déodorant du mâle rugissant. On étale sa science, sa viande et toutes ses dents. On impressionne. « Belle du Seigneur » est séduite. Les regards se croisent. Les peaux se touchent. Les mains se prennent. Les langues s’emmêlent et font l’amour. L’ocytocine inonde nos cerveaux. Nous sommes deux idiots sans cervelle. Amoureux fous. Amants éternels. Inséparables désormais. Très vite, les corps fusionnent dans un studio, s’unissent dans une mairie, accouchent dans un trois-pièces et s’ennuient dans une maison. Les parfums s’égrainent. Le nez n’y prête plus attention. Les peaux se décollent, les lèvres s’assèchent dans l’indifférence et les regards qui se croisent, croisent le fer. L’habitude a chassé l’hormone de l’amour. Elle fait cohabiter nos corps sans désir. Nous sommes un père et une mère, deux entités au service d’une troisième. Mission accomplie. L’avenir de l’Homme est assuré. Le couple n’est plus que deux solitudes ensemble. L’amour n’est plus qu’un ailleurs, une terre rêvée, un eldorado de 5 à 7 dans la chambre d’un Formule 1. Une formule mathématique faite d’une nouvelle inconnue (moi + x = amour éternel ?) qui ne sera peut-être jamais résolue. Puis, les chairs flétrissent. Les cœurs se retrouvent et s’accompagnent. Les mains s’agrippent une dernière fois. Se jurent fidélité pour les quelques instants qui restent encore. On reprend possession de l’autre. On recolle ensemble les morceaux épars et désordonnés du grand puzzle de sa vie. On pardonne, on oublie, on vieillit. La mémoire sature mais on se souvient encore. De ceux que nous avons été jadis. On s’embrasse à tout jamais. Le regard se referme sur l’autre. Et l’amour meurt doucement dans le souvenir qui s’épuise.

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