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L’amour du risque chez les jeunes

Pour la deuxième année consécutive, l’Unicef publie une étude sur la jeunesse française d’aujourd’hui. Et le bilan n’a rien de bien glorieux. Entre drogue, alcool et pensées suicidaires, les jeunes français semblent de plus en plus “paumés”…

 

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans “… Et si le poète avait tort ? Et si la jeunesse avait perdu de son insouciance et de sa magie ? Car, à en croire la dernière étude de l’Unicef menée auprès de 11 000 jeunes âgés de 6 à 18 ans, la dernière génération française serait la grande gagnante du pessimisme. Interrogés sur leur vie de famille, leur école, leur quartier et leur ville, ces enfants et adolescents semblent vivre une véritable crise de confi ance. Comment expliquer un tel malaise ? Les sociologues s’accordent sur un point : les générations précédentes ont laissé en héritage aux jeunes d’aujourd’hui une société où le diplôme n’est plus un gage de sécurité pour obtenir un emploi stable, où la précarité touche toutes les strates sociales, un monde où fi nalement, la mondialisation n’est plus qu’un mauvais rêve et l’avenir, une variable pleine d’incertitude. Ce déclin anéantit les espoirs des jeunes qui, pour se convaincre qu’ils existent, s’adonnent aux pratiques les plus extrêmes.

Sexe, drogues et alcool

Les faits sont là : la France abrite une jeunesse déprimée qui trouve un exutoire dans l’alcool et les drogues. Selon l’étude de l’Unicef, 41 % des plus de 15 ans disent consommer des boissons alcoolisées et avoir déjà été en état d’ivresse. Plus inquiétant encore, 32 % d’entre eux avouent consommer du cannabis régulièrement ou prendre d’autres drogues. Pour s’en rendre compte, il suffit de parcourir la Toile où les défi s de binge-drinking (beuverie express) sont désormais légion. Finie la petite bière que l’on buvait en cachette de ses parents, place aux cuites à répétition. Les comportements sont de plus en plus désinhibés, comme pour repousser les codes sociaux imposés. Martin de Duve et Jean-Pierre Jacques ont exploré toutes les facettes de ce phénomène dans Jeunes et alcool, génération jouissance, qui paraît ce mois-ci aux éditions De Boeck. Enseignant et expert en santé publique, Martin de Duve explique bien cette tendance de banalisation de l’alcool : « Les jeunes ne boivent pas plus qu’avant. Ils le font d’ailleurs moins souvent mais en plus grande quantité, jusqu’à la cuite. Mais il ne faut surtout pas mettre tous les adolescents dans le même panier. »

Une souffrance intense

L’adolescence est rarement une période radieuse et vouloir repousser les limites est dans l’ordre des choses. Mais dans son rapport, l’Unicef tire la sonnette d’alarme : 43 % des plus de 15 ans sont en situation de souffrance psychologique. Un mal-être qui s’explique notamment par la situation de précarité matérielle et affective de certaines familles, particulièrement les monoparentales. Toujours selon l’étude de l’association, 45 % des enfants interrogés se sentent angoissés quant à leur avenir et ce chiffre grimpe à 60 % pour ceux qui vivent une situation de privation. Enfin, et c’est probablement là l’élément déclencheur, beaucoup estiment qu’ils souffrent d’un manque de reconnaissance de la part de leurs parents. Mais le web, et en particulier les réseaux sociaux, ont aussi leur part de responsabilité dans ce malaise de la jeunesse. L’idée du suicide concerne 28 % des adolescents sondés et 11 % d’entre eux auraient déjà tenté de se donner la mort. Le risque de passage à l’acte est multiplié par trois lorsque le facteur déclencheur est le harcèlement sur les réseaux sociaux. Près de deux jeunes sur trois sont inscrits sur l’un d’entre eux et 12,5 % déclarent avoir déjà été harcelés sur internet.

Parents, mode d’emploi

Ainsi, parfois, sous une apparente sérénité, les adolescents cachent une grande solitude que les parents ne détectent pas toujours. Savoir réagir de la bonne manière envers son enfant accro à l’alcool ou à la drogue n’est pas si facile. Martin de Duve explique encore que le discours parental face aux stupéfi ants est souvent ferme et clair, « mais tout se complique lorsqu’il s’agit d’alcool, car les parents sont souvent aussi consommateurs et ce sujet devient sensible ». Pour l’enseignant, l’important est donc de ne pas rentrer dans la caricature ni dans le jugement, mais être à l’écoute, dans la nuance et le dialogue. Rien ne sert de « culpabiliser » un ado, cela ne fait qu’aggraver les choses…

À lire

Jeunes et alcool, génération jouissance, Martin de Duve et Jean-Pierre Jacques, éditions De Boeck, 18 €

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