Désormais installé rue de Bourgogne, le luthier orléanais manie rabots, limes et râpes depuis l’âge de 15 ans. Fabriquer un instrument, c’est ce qui a d’emblée motivé notre homme qui n’avait jamais avant l’adolescence montré de talent particulier pour le travail du bois… Sébastien Drouet
Si le bruissement de la ville, plus ou moins harmonieux, se fait perceptible, c’est cependant une autre musique qui emplit le petit atelier de la rue de Bourgogne. Non pas celle d’un des CD posés sur une étagère, ni même celle d’un instrument joué en live par un musicien acheteur. En guise de sons mélodieux, ce sont plutôt ceux des outils de Laurent Zakowsky que nous entendons. Les altos, la spécialité de l’artisan, berceront les tympans plus tard. Ici, on n’exécute pas des œuvres. On est à l’ouvrage.
Mais, avant de fabriquer des instruments à cordes, avant même d’apprendre à les concevoir, il a bien fallu que Laurent ait un déclic. Ce n’est pas sous nos latitudes que celui-ci a eu lieu, mais beaucoup plus au sud, à l’école de musique de Pau, sa ville natale. « Un jour, un parent d’élève est venu présenter un luth en kit qu’il avait monté. L’objet m’a intéressé, j’ai aimé l’idée qu’il pouvait produire du son. » Séduit, notre homme, qui jusque-là n’avait pas montré de disposition particulière pour le travail manuel, prend le chemin des Vosges, à 1 000 km de chez lui. À 15 ans, il entre sur concours à l’école de Mirecourt, le must en la matière. Là-bas, il apprend les gestes. Même si c’est « laborieux au départ », le jeune homme montre de réelles dispositions. « Être doué, c’est apprendre très vite », affirme-t-il. C’est ce qu’il fait, mais ça ne suffit pas. « On considère qu’il faut exercer 5 ans en tant qu’ouvrier pour être au point. » Et encore, il reste des choses à connaître avant d’être pleinement luthier : l’expertise, le commerce. Autant d’aspects du métier qu’il va peu à peu maîtriser grâce à ses longues années de pratique, à Paris, à Venise, avant d’arriver à Orléans en 2003. « Catherine, de À La Ville de Crémone, au 268 rue de Bourgogne, cherchait quelqu’un, j’étais disponible. » Il ne partira plus d’ici : le créateur (il ne fait pas de commandes), installé à son compte depuis un an et demi, s’est constitué sur place une belle clientèle. Sans oublier la proximité de Paris… Pleinement heureux quand il « taille la voûte » avec son rabot ou quand il perce des ouïes, Laurent donne une âme à ses altos. « La lutherie, c’est de la poésie », dit-il. Une identité, une histoire, que n’ont pas les productions made in China…
www.violon-piege-a-son.fr
https://alto-viola.com
Bio express
1967 : naissance à Pau (Pyrénées-Atlantiques)
1982-85 : formation à l’école de Mirecourt (Vosges)
1989 : objecteur de conscience au Ministère de la Culture
1993 : luthier à Venise
1996 : salarié rue de Rome, à Paris
2003 : arrivée à Orléans
2017 : installation à son compte
Dans les cordes
Altiste pour les besoins du métier, Laurent, qui ne tire pas ce qu’il veut de son instrument, fait état d’une légère frustration à ce niveau-là, « car on connaît mieux que quiconque l’alto que l’on a fabriqué ». Guitariste amateur, père d’un jeune guitariste (et d’un jeune pianiste), c’est un féru de musique classique contemporaine (Helmut Lachenmann) et de flamenco. Les cordes, toujours les cordes !
Le juste prix
Un alto neuf fabriqué par un luthier en trois semaines coûte normalement 15 000 €. Une somme prohibitive pour les élèves. Alors, mettant de côté quelques grands principes chers à ce monde très traditionnaliste, Laurent, qui utilise la mécanique en sus de l’huile de coude et de ses doigts agiles, a minimisé les coûts. Il arrive à produire un alto respectueux de l’environnement et de l’humain (que ne sont pas ceux faits en Chine) pour 3 000 €, somme que peuvent débourser les jeunes passionnés… ou leurs parents.
Laurent écrivain
Le terme est peut-être un peu ronflant, en tout cas il s’en défend. Disons alors que Laurent est l’auteur d’un livre paru en mars dernier : Petites histoires du violon (Aedam Musica, 23 €, en vente aux Temps modernes par exemple). « À travers des anecdotes personnelles, je montre les rapports que l’instrument peut avoir avec la religion, la sexualité, l’économie, la folie. »