Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

L’avis de la psychanalyste

Psychanalyste, chroniqueuse, Sophie Cadalen est également écrivain. Auteur de Les femmes de pouvoir : des hommes comme les autres ?, paru au Seuil en 2008, elle est particulièrement bien placée pour répondre aux questions que se pose Edith.

 

Entrons dans le vif du sujet : être une femme est-il compatible avec l’exercice du pouvoir ?

Tous les hommes ne veulent pas le pouvoir, et toutes les femmes non plus. Cela étant dit, il y a des femmes autoritaires, comme les hommes. Certaines personnalités féminines désirent le pouvoir ; c’est la condition nécessaire pour bien l’exercer. Dans notre société actuelle, tout le monde s’accorde à dire qu’il n’y a pas de raison que les femmes n’accèdent pas aux postes de responsabilité elles aussi, mais c’est encore compliqué, freiné. Rien ne les empêche, sinon un imaginaire partagé par les hommes et les femmes, qui fait qu’elles ne se l’autorisent pas, et qu’on ne les autorise pas. Elles sont souvent épatées par le culot de certains hommes qui osent parce qu’ils ne voient pas pourquoi ils ne convoiteraient pas ce pouvoir. Pour les femmes, rompues par la question de la légitimité, il faut un élan, une impulsion. Les hommes y vont eux, ils tentent.

 

Élisabeth Badinter dit que les femmes politiques au pouvoir, aujourd’hui, « font comme les hommes ». Pas d’émotion, pas de féminité… Êtes-vous d’accord ?

Je serais plus nuancée. Hommes et femmes s’adaptent à la fonction, et l’inverse est vrai aussi. On tolère, on aime même, aujourdhui, les hommes qui ont la voix vibrante et l’œil mouillé. Quand les femmes occupent les postes de pouvoir, elles les occupent comme elles pensent que le poste l’exige. Mais la société changeant, les gens s’investissant différemment, hommes et femmes sont désormais autorisés à exprimer leur humanité. Je précise que montrer sa sensibilité n’est pas typiquement féminin. Ce serait sexiste de le dire.

 

Si les choses évoluent lentement mais favorablement dans le monde de l’entreprise, on trouve encore peu de préfètes (24 sur 108), de présidentes d’université, de présidentes de chambre consulaire…

Certains lieux de la vie publique sont encore détenus par les hommes. Comme un prolongement d’une fonction paternelle. La vie politique est associée à un patriarcat. Mais c’est aussi la quintessence du pouvoir par excellence. Pour les femmes, c’est indécent de s’affirmer vouloir à ce point le pouvoir. Quand on a une entreprise, ce n’est pas le pouvoir qui importe, c’est le côté créateur, alors qu’en politique, on est au cœur du pouvoir, de sa conquête. Les politiques sont des animaux de puissance et d’ambition ! Les femmes ont un peu de mal à s’affirmer aussi désirantes. Certaines adorent ça, bien sûr, mais elles ont intérêt à avoir les reins solides.

 

Les lois ont-elles changé la situation ? Selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité, la parité est atteinte dans les assemblées politiques locales. Or, ce sont les hommes qui continuent d’occuper les postes de pouvoir… 

Légaliser la parité n’a pas bouleversé les choses. Mais il fallait sans doute en passer par là. Sauf que la loi prendra vraiment effet quand les mentalités changeront. C’est un double mouvement. Le plus gros boulot est de décrasser cette idée selon laquelle les femmes ne sont pas des guerrières. On les associe encore trop à la mère, à l’accueil, à l’accompagnement, pas encore à l’idée d’y aller seule. C’est en train de changer, mais tout cela est encore récent. Il y a chez nous une mentalité très latine, conservatrice. Il faut le reconnaître pour parvenir à changer les choses.

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