Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

Le féminisme est-il has been ? D’hier à aujourd’hui

Elles sont MLF, nostalgiques des luttes d’antan. Ou bien chiennes de garde, toujours prêtes à mordre les mollets des affreux machos. À moins qu’elles n’aient préféré rejoindre les rangs d’un comité de femmes plus « sages ». Aujourd’hui, tous les féminismes sont possibles !

 

A chacune sa définition du « féminisme ». Pour Jane Méjias, auteure de Genre et société (Bréal), c’est « le refus des préjugés qui dévalorisent les femmes, le rejet du sexisme, des normes patriarcales et de la misogynie, le combat contre l’inégalité des sexes, la volonté de donner la parole aux femmes et de leur ouvrir l’espace public, la certitude enfin d’une spécificité de la cause des femmes ». Un combat qui ne date pas d’hier. On pourrait remonter aux temps antiques, mais à vrai dire, le féminisme est né en France avec la démocratie. Et son égérie est une martyre : Olympe de Gouges, rédactrice de la Déclaration des droits de la femme, passée sur l’échafaud en 1793 (elle fut condamnée pour s’être opposée à la « dictature »). Ce qu’elle voulait ? Donner l’importance qu’elle devait avoir à la moitié des êtres humains du pays. Mais il faudra attendre la fin du XIXe siècle et le début du XXe pour que le féminisme commence à se développer dans les pays occidentaux, l’âge d’or se situant entre 1900 et 1914, avec les fameuses Suffragettes anglaises luttant pour le droit de vote. Celui-ci n’arrivera en France qu’à la fin de la guerre mondiale. Et encore, pas la première, la seconde !

 

Nouvelle vague

La deuxième vague féministe date des années 60. L’objet de sa lutte : le droit pour les femmes de disposer de leur corps, autour de l’avortement et de la contraception. L’un de ses bras armés : le Mouvement de Libération des Femmes, rassemblement de plusieurs groupes féministes dans les années 1967-68. « Le MLF a permis aux femmes de revendiquer la maîtrise de leur propre corps, rappelle la sociologue Natacha Chetcuti*. L’un de ses apports majeurs est celui de la division homme/femme, pensée comme une construction sociale et non plus comme une donnée de nature. » De cette deuxième vague découlent nombre d’associations, nées à l’époque (le Planning familial, en 1960), ou depuis : Femmes solidaires, la Fédération nationale Solidarité Femmes (qui gère le 3919), la Marche Mondiale des Femmes, le Collectif national Droits des Femmes (qui organise la journée du 8-Mars), etc. L’ensemble forme un féminisme que nous qualifierons de « classique », et qui a dû laisser de la place, dans les années 90 et surtout 2000, à un « nouveau » féminisme, plus moderne dans ses moyens d’action.

 

L’égalité en point de mire

Les féministes de la troisième vague, celle que nous connaissons actuellement, se battent sur tous les fronts, notamment pour l’égalité et la parité. « L’inégalité ne s’explique plus, puisque les femmes sont aussi nombreuses que les hommes dans la population active, qu’elles ont le droit de vote, qu’elles sont plus diplômées », écrit Jane Méjias. L’inégalité ne s’explique peut-être plus, mais elle existe encore, de fait : salaires inégaux pour un même travail, machisme ambiant dans le milieu professionnel et, au niveau politique, sous-représentation chronique des femmes à l’Assemblée, au Sénat, dans les gouvernements lorsqu’ils sont remaniés, bien que les lois sur la parité aient permis les rééquilibrages qui s’imposaient.

Pour arriver à la parité, à l’égalité, mais aussi pour faire cesser les harcèlements, les propos machos, les pubs dégradantes, les préjugés scandaleux, les mouvements de cette « troisième vague » féministe, comptant bon nombre de militantes jeunes, utilisent, non sans manier l’humour, les outils actuels, réseaux sociaux en premier lieu, pour organiser en deux temps trois clics une action déterminée à un endroit précis (marche, manif, happening…), ou pour mettre sur pied une campagne de sensibilisation sur le plus long terme.

 

À l’attaque !

De fait, leurs noms, plus accrocheurs et provocateurs qu’autrefois, sont connus de toutes, de tous : Osez le féminisme (universaliste, laïque et progressiste), la Barbe (« Pour exprimer leur ras-le-bol haut et fort, les femmes ont décidé d’investir barbues tous les hémicycles, toutes les antichambres, tous les lieux du pouvoir des hommes », lit-on dans le Manifeste du groupe d’action), les Chiennes de garde (qui s’engagent à manifester leur soutien « aux femmes attaquées publiquement en tant que femmes »), ou Ni Putes ni Soumises (« Pour dire non aux dégradations des conditions de vie constantes et inadmissibles que subissent les filles en France en général et dans les quartiers en particulier »).

Parallèlement, une presse féministe au ton très actuel fait florès (Causette), tandis qu’on remarque l’émergence de comités de défense des femmes, plus « sages », ou d’organisations (Femmes 3000, par exemple), dont l’objectif est de sortir les femmes de leur carcan et de les placer sur le devant de la scène. Mais surtout, tout en restant femmes ! « Nous ne sommes pas fabriquées pareil que les hommes, et il ne s’agit pas de prendre une posture masculine, déclare Nicole Etchegoinberry, présidente du directoire de la Caisse d’Épargne Loire-Centre et des Elles de BPCE. En fait, eux et nous, nous sommes complémentaires. » Égaux sans être identiques.

*L’Express.fr du 26/08/2010

 

Radicalement  féministes

Une quatrième vague de féminisme est déjà en train de noyer les misogynes. Mais là, il ne s’agit plus de calmes réunions ni même de manifestations tranquilles et humoristiques : les « nouvelles nouvelles » associations féministes, d’abord nées à l’étranger mais, pour certaines, désormais présentes en France, marchent au coup de force, à l’esclandre publique, à la provoc totale. Ainsi, Femen, organisation d’origine ukrainienne, regroupe des « sextrémistes » athées et antireligieuses, tandis que Slutwalk (littéralement « Marche des salopes »), une organisation originaire du Canada, se bat « contre l’explication ou l’excuse du viol en référence à l’apparence d’une femme ».

Dans le genre, même s’il ne s’agit pas d’une association ouverte à toutes, n’oublions pas de citer Pussy Riot, groupe punk-rock féministe russe qui s’oppose spectaculairement à Vladimir Poutine.

 

 

Elles témoignent

Anne-Marie BlondelAnne-Marie Blondel, présidente du CIDFF Loiret : Féministe revendiquée, « dans la mesure où je me bats pour l’égalité des droits, l’égalité femmes/hommes étant un combat féministe », la responsable du Comité d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, bien placée pour observer l’évolution de la société sur ces questions, remarque assez peu d’amélioration. « Ceci étant, ajoute-t-elle, les femmes osent s’exprimer et s’investir dans les structures qui font avancer les causes qu’elles défendent, en tant que femmes mais aussi en tant que citoyennes : égalité femmes/hommes et filles/garçons, prise en considération, reconnaissance d’une nécessaire parité. »
Le CIDFF est l’une des structures qui favorisent ces avancées. « Il a pour objectif premier de permettre aux femmes d’avoir connaissance de leurs droits et, ensuite, de les faire respecter, explique sa présidente. Il intervient donc dans le cadre de l’accès au droit, pour les femmes, puis dans des domaines spécifiques : lutte contre les violences, lutte contre les discriminations femmes-hommes, sensibilisation des jeunes aux discriminations filles-garçons, questions de comportement… » Une priorité ? Que les femmes « s’investissent davantage dans les instances politiques afin de faire valoir leurs aspirations et leurs attentes ».

Doit-on préciser que le concours des miss France, qui devait être organisé à Orléans le 6 décembre, ne fait pas partie des préoccupations de Mme Blondel ? « Je regrette que des jeunes filles se prêtent à cette mascarade. » C’est dit !

 

 

Nicole EtchegoïnberryNicole Etchegoïnberry, présidente du directoire de la Caisse d’Épargne Loire-Centre et présidente des « Elles de BPCE ». Nicole Etchegoïnberry, l’une des rares femmes dirigeantes d’une entreprise du groupe BPCE, préside en outre une association créée en février 2012 et qui compte à ce jour 325 membres, toutes femmes cadres supérieures, cadres dirigeantes, et dirigeantes du groupe bancaire. « Notre objectif est de contribuer à accélérer l’agenda de la mixité mis en place par BPCE, explique la haute-responsable, de faire en sorte qu’il y ait plus de femmes dirigeantes et cadres dirigeantes. » Le travail, dans la société en général mais aussi dans le milieu, très masculin, dans lequel évolue Mme Etchegoïnberry, est colossal, et de plusieurs ordres – il est à la fois culturel, psychologique, etc. : « Les femmes doivent impérativement travailler sur elles-mêmes pour enlever les freins qui les empêchent d’avancer, et dire aux hommes qui ont le pouvoir qu’il y a des femmes de talent. Mais il ne s’agit pas d’opposer les femmes aux hommes ! »

Prendre confiance en soi, viser l’épanouissement professionnel, se montrer… « Si vous travaillez dans une entreprise et que vous êtes une femme, il est très rare qu’on vienne vous chercher », remarque Mme Etchegoïnberry qui a dû, elle, faire preuve d’obstination pour passer les étapes une à une. Pour éviter aux autres ce parcours de la combattante, l’objectif de la présidente des Elles, justement, est de repérer des femmes du groupe BPCE pour les mettre en situation d’apprentissage de management. Tout en créant des réseaux, encore et toujours : « Pour cela, il faut aller vers les autres. » Un conseil à suivre de toute façon, qui que l’on soit…

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