Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

Le grand 
méchant Facebook

Pris à partie par les médias suite à quelques faits divers sordides, le réseau social regroupant 692 millions de Terriens est de plus en plus associé au mot « danger ». Les ados en ont-ils conscience ? Et pour eux, est-il davantage qu’un simple outil 
de communication ?

Facebook, c’est la norme. Dans les classes orléanaises, « quand deux ou trois ne l’ont pas, c’est le max’ », avoue Cléa, 16 ans, scolarisée au lycée Saint-Charles. À tel point que certains parents, comme Marianne, poussent d’eux-mêmes leur progéniture à s’y inscrire : « Je pense que pour les garçons un peu timides, c’est un bon moyen de s’ouvrir et de faire partie de la communauté », explique cette directrice d’une agence… de communication. Julien, le fils en question, avait une douzaine d’années quand il a découvert les joies de « FB ». Pas une réussite : « J’aimais pas du tout, je trouvais ça débile. Ça m’a fait ch…, alors j’ai arrêté. » Il y est revenu depuis, réunissant 340 « friends », et assurant ne « rien mettre de personnel, à part (son) numéro de téléphone »…
Issu d’un milieu favorisé, Julien est convaincu de ne pas être dépendant de Facebook. Il s’y connecte pourtant tous les jours, à l’instar de Baptiste, âgé de 16 ans. « Trop la honte » : lui n’a « que » 500 amis recensés, car il a commencé « à faire le tri ». Comme beaucoup de jeunes garçons de son âge, Baptiste utilise avant tout le réseau social pour ses nombreux jeux, tandis que les filles y affichent plus de leur intimité, réelle ou… construite : « Quand j’ai eu des problèmes avec mon frère, je les ai publiés, raconte Héloïse, 18 ans. Facebook, on s’en sert pour des petits appels à l’aide, mais aussi pour montrer une attitude 
décontractée… »

Le jeu de la vérité ?

Pas folles, les guêpes : plus qu’on n’aurait pu l’imaginer, les « jeunes » pensent Facebook comme une gigantesque salle de théâtre, où chacun joue son propre rôle. Sauf que l’écrit a remplacé la parole, plus volatile. Des harcèlements intensifs sur le réseau, ainsi que des piratages de compte, ont incité plusieurs établissements scolaires à bloquer les connexions vers le divin site. « On s’en fout, il y a les iPhone maintenant », en rigole Julien. Une plaisanterie qui ne ferait pas forcément rire Marie-Claude Bedu, principale depuis onze ans du collège. « Facebook nous a compliqué l’existence, soupire la directrice. Nous avons dû régler beaucoup d’affaires entre ados… On avait tenté une réunion d’information, mais peu de parents sont venus. »
Facebook, un sujet sans intérêt pour ces derniers ? « Il y a une prévention à faire qui appartient à la sphère privée, et donc aux seuls parents », rétorque Marianne, la maman de Julien et 
d’Héloïse. Mais comment « prévenir » alors que les parents eux-mêmes ont parfois un train de retard en matière de connaissance « facebookienne » ? L’espionnage intrusif des activités de son rejeton peut représenter une solution, mais si et seulement s’il est consenti par les enfants en personne. Car sur Facebook, ce sont eux qui font la loi ! « Je suis « amie » avec ma mère, mais je l’ai interdite d’accès à mon mur. Ce qui n’est, en revanche, pas mon cas… », jubile Héloïse…

Big Mother is watching you

Être ami avec ses parents… le cauchemar de Freud. Ou peut-être bien, finalement, le prolongement des relations complexes qu’entretiennent, à l’aube de l’âge adulte, les ados et leurs « moumounes ». 
Cécile, 41 ans, est la mère « très laxiste » de Baptiste, et c’est lui qui le dit. Tous deux, dans le virtuel, sont devenus « friends ». « Je ne suis pas là pour contrôler », se défend de suite Cécile, avant de faire, très paradoxalement, un compte rendu global des activités de son fiston : « Il s’en sert vachement bien, je trouve. Au début, il a bien utilisé un langage que je n’aimais pas trop, mais je le lui ai fait 
remarquer… »
Sur cette Toile vendant quotidiennement une illusion de liberté, Facebook est l’araignée la plus sournoise. Sorte de Big Brother amélioré, car consenti ET recherché, son fonctionnement protège paradoxalement plus qu’on ne le pense les jeunes utilisateurs de ces dangers supposés. L’autocensure y est ainsi presque élevée au rang de défense immunitaire : « On a entendu parler de beaucoup de choses à la télé, au niveau des employeurs, quand on met des photos. Ça se retrouve, ces choses-là… Et puis, de toute façon, dès qu’on allume Internet, on a une trace de nous », 
relève, avec une étonnante lucidité, l’un des ados interrogés.
Et puis il y a la surveillance induite par la multitude des contacts. Imaginez une planète où chacun aurait un œil sur vous, ou sur votre enfant… Ce monde est à portée de clic : « Si je serai inquiète quand ma fille s’inscrira ? Mais tout le monde la contrôlera, il n’y aura pas que moi ! » Facebook, la nouvelle concierge du monde 
moderne.

L’avis 
du psy

3 questions à Christine Léon-Guérin, psychologue à Orléans

Les ados sont-ils devenus dépendants de Facebook ?
C’est une discussion qui revient tout le temps. Les jeunes sont véritablement accros à ça, et je pense que les parents n’ont aucune maîtrise sur ce que font leurs enfants. Des parents me disent souvent que leur fils ou leur fille, une fois sortis du lycée et à peine rentrés chez eux, ouvrent leur ordinateur.

En quoi Facebook peut-il être un danger ?
L’utilisation des photos et de certaines informations privées est dangereuse, car elles tombent entre les mains de tout le monde. Certains ados n’ont plus de limites, ils livrent plein de choses d’eux-mêmes sans en avoir conscience, et finissent par en souffrir quand ils s’aperçoivent qu’ils en sont responsables.

N’y a-t-il pas des côtés positifs à Facebook ? Ce réseau ne permet-il pas, dans un sens, de « libérer » la parole des ados ?
Je crois surtout que Facebook permet de compenser une carence en relation. Ensuite, il y a des personnes qui vont effectivement mieux dire les choses par écrit, sauf que Facebook n’est pas un mode de communication direct. Quand vous écrivez quelque chose, les mots utilisés ne sont pas forcément justes. Il peut y avoir des quiproquos ; chacun a sa grille d’interprétation, sa propre lecture.

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