On dirait que, globalement, les mesures contre le bruit ne sont pas à la hauteur des problèmes qu’il génère. Comme si on le considérait comme « normal ». Est-ce votre sentiment ?
Il s’agit d’un sentiment collectif : 8 personnes sur 10 attendent une impulsion des pouvoirs publics afin que soit mieux pris en compte l’impact du bruit et des nuisances sonores sur leur santé. Les plaintes au sujet du bruit ont commencé, historiquement, en même temps que la pollution sonore environnementale. On ne peut que constater une surdité partielle mais délibérée des autorités. En effet, les constats au sujet des conséquences sanitaires du bruit sont scientifiques, quasi constants et alarmants. Et par rapport aux autres pays européens, la France est bien en retard dans ce domaine.
Pourquoi ces blocages ?
Il y a une certaine méconnaissance de la réalité par les autorités. Le problème des nuisances sonores a été banalisé. Il alerte pourtant les plus grands organismes internationaux parmi lesquels l’UNESCO et l’OMS. Cette dernière a sonné l’alerte en faisant du bruit « un risque environnemental majeur pour la santé […] en Europe ». Ensuite, il y a un argument fallacieux d’impériosité économique qui semble légitimer que l’on ne s’occupe pas des effets sonores de ce qui rapporte de l’argent. Il est à noter que lorsque la France a accumulé un retard accablant dans l’application des décisions européennes sur le bruit, les décideurs en avaient été suffisamment informés. Or, ceci est contradictoire puisque l’ADEME a évalué le coût social du bruit à plus de 57 milliards d’euros par an – sans que tous les coûts indirects générés par le bruit aient été intégrés dans ce montant.
Enfin, les études internationales prouvent que les hommes ont une acuité auditive moindre que celle des femmes (dès la naissance). On ne compte plus le nombre de personnes (majoritairement des femmes) qui, souffrant du bruit, n’obtiennent ni écoute ni aide réelle de la part des ORL eux-mêmes (majoritairement des hommes) ou d’autres médecins. Les patients se voient majoritairement reprocher, avant voire sans examens médicaux suffisants, d’avoir un problème psychologique. Et parfois leur problème auditif physique reste non diagnostiqué durant des années !
Dans le monde du travail, les salariés sont-ils suffisamment protégés ?
Non, une enquête nationale appelée SUMER effectuée courant 2010 en fait le constat assez alarmant. Et les études européennes qui ont suivi permettent de comprendre que les nuisances sonores sont très loin de se cantonner aux seules industries… Elles concernent pratiquement tous les corps de métiers. Une étude récente réalisée par la société Plantronics au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, révélait que le bruit au travail a un impact négatif sur le personnel et sur la qualité du travail (pour 89,9 % des interviewés au Royaume-Uni, 96,5 % en Allemagne et 93,5 % en France). Les conséquences, pour l’employeur, sont les absences pour cause de maladies dues au bruit, mais aussi une perte de productivité qui existe y compris pour ceux qui travaillent dans des bureaux. Sans parler de la démotivation que tout cela implique.
* 98 p., 12 €. Disponible à la vente par correspondance auprès de la librairie « Des livres et vous », 1 avenue Charles de Gaulle, 62200 Boulogne-sur-Mer (tél. 03 61 13 77 03).
Témoignage
Caroline Rémond est l’auteure du Guide à l’attention des personnes gênées par le bruit*, petit condensé d’informations très pratiques sur les plans médicaux (ORL et autres spécialités), juridiques (droit civil et pénal), administratifs, psychologiques et de vie quotidienne (comment mieux vivre le bruit au quotidien).