Il y a longtemps que l’on ne se cache plus le corps uniquement pour se protéger du froid, de la pluie ou du soleil. Depuis plusieurs siècles, les vêtements véhiculent des messages : « coolitude », autorité, situation financière, profession, goût pour telle ou telle musique, rébellion… à chaque personnalité – ou à chaque état d’esprit à un instant « T » – son look ! Pour mieux comprendre le pourquoi et le comment, Edith ouvre les portes de la garde-robe… Sébastien Drouet
Au fil des siècles, le vêtement a changé de fonction. S’il a toujours servi à se protéger du froid ou du soleil, ou tout simplement des regards, il s’est personnalisé avec le temps, pour se démarquer, attirer l’attention.
Dans notre société, la mode est apparue à la Renaissance, quand la bourgeoisie a commencé à remettre en cause l’aristocratie. Selon le chercheur Frédéric Godart, « les bourgeois signifient par leurs vêtements et accessoires luxueux leur nouvelle puissance politique, économique et sociale, poussant l’aristocratie à réagir de façon similaire ».
Mais la mode en tant que telle naît véritablement au XIXe siècle, avec la création à Paris de la première maison de couture par Charles-Frédérick Worth dans les années 1840-1850. Paris s’impose peu à peu comme la capitale mondiale de la mode : en 1900, vingt maisons y ont leur siège (elles seront une centaine en 1946, contre une vingtaine aujourd’hui). Au début du XXe siècle, avec l’émergence de la confection et des grands magasins, le vêtement quitte la sphère familiale, où il était conçu jusqu’alors par la mère de famille, pour être exposé en vitrine afin d’être acheté à bon prix (pour les vendeurs).
Blue jean pour les rebelles
Coco Chanel, dans les Années folles, conjugue mode et publicité. Son influence est considérable, jusqu’à Hollywood, où elle habille les stars de la firme cinématographique MGM. Puis, tout s’accélère après la Seconde Guerre mondiale, par vagues successives. On voit notamment débouler le jean, ancien bleu de travail aux USA, symbole de la remise en cause de l’ordre établi, qui a en plus l’avantage d’habiller les deux sexes. Dans les années 60, la jupe remonte au-dessus du genou, avant la mode des robes bohêmes, des pattes d’eph, des blouses fluides et des imprimés psychédéliques dans les années 70… À partir de 1976 et dans les années 80, les tribus débarquent : punks, new wave, gothiques, à chacun son uniforme, ses codes couleurs. Il y a eu du changement depuis. Désormais, nous sommes à l’ère des marques. Au-delà de l’aspect du vêtement, c’est la « griffe » qui compte, de préférence bien visible, comme elle l’est sur les stars du foot et du basket, nouveaux mannequins de luxe. L’histoire continue bien sûr, mais avec Internet, il n’est plus vraiment question d’attendre les défilés pour flairer l’air du temps. Toujours plus vite ! Et toujours plus éphémère…
Derrière le look
Si au Moyen-Âge et à la Renaissance, aristocrates et bourgeois rivalisaient d’élégance pour se distinguer du commun, les vêtements ont toujours gardé cette fonction révélatrice de situations et de pratiques. Autrement dit, il existe un code vestimentaire, une norme sociale non-écrite, partagée par tous, qui indique le rang social, la classe, le métier, la religion, mais aussi le style de vie, les goûts artistiques, voire un message politique. Le « look » permet d’affirmer son point de vue sans avoir à l’exprimer. Tout cela a le mérite d’être clair et net, mais il y a des messages un peu plus cryptés, comme le fait de s’habiller strict (surtout dans certains milieux professionnels) pour ne pas laisser de place à l’ambiguïté, pour qu’il n’y ait pas de doute sur le sérieux du personnage. Car on s’habille en pensant à la façon dont les autres vont nous considérer. Sans oublier que vêtements et langage vont de pair. Le costume-cravate est raccord avec un langage formel et une attitude plutôt sérieuse. A contrario, une étude anglaise a montré que pour les employés, travailler en tenue décontractée favorisait la paresse. Tout dépend du domaine professionnel bien sûr : tout le monde a vu les reportages chez Google ou Facebook où les salariés viennent travailler en short et en tongs…
Pantalon pour les femmes, jupe pour les hommes
Si nous devons déterminer le moment où les codes ont été singulièrement bouleversés en matière de mode féminine, il faut remonter à… la guerre 14-18, quand les femmes se sont habillées en soldates par solidarité avec les Poilus. En outre, obligées de remplacer les hommes à l’usine ou de devenir infirmières pour soigner les blessés, elles laissent tomber le corset. L’heure est grave, il faut parer au plus pressé : la guerre simplifie les lignes, on veut du souple, du pratique. La jupe traditionnelle fait place au tailleur, la robe est raccourcie par mesure d’économie. Les femmes sont décolletées et « démolletées » ! Coco Chanel commence à faire parler d’elle avec ses tenues pour femmes actives inspirées du sport, tandis que s’ébauche la silhouette de la garçonne. Et le pantalon alors ? Symbole du pouvoir, le droit de le porter, pour les femmes, a été une longue lutte. Longtemps interdit par une ordonnance de 1800, le pantalon sera popularisé dans les années 1960 par Courrèges et Saint Laurent. Or, nous assistons aujourd’hui à un retournement de situation : les filles se battent pour avoir le droit de porter la jupe sans se faire traiter de tous les noms – comme si ce vêtement était un signe de disponibilité sexuelle ! Une « Journée de la jupe » a même été organisée en 2006 par des lycéennes d’Ille-et-Vilaine, journée qui a connu quelques échos les années suivantes, au point qu’une initiative contre le sexisme, invitant les garçons lycéens à porter la jupe pendant une journée, a été lancée en 2014 à Nantes.
Au-delà du symbole, les hommes qui seraient sérieusement tentés par ce vêtement sont invités à consulter le site jupe-skirt.info : on y trouve les revendications des supporters de la jupe pour homme, ainsi que quelques photos de modèles qui laissent tout de même à penser que cela ne prendra jamais aussi bien ici qu’en Écosse…
Sources : Sociologie de la mode, Frédéric Godart, La Découverte
portaildelamode.com
weassistyou.com
Télérama.fr, article intitulé : « Simple, plus court : comment 14-18 a changé les canons de la mode »
Christine Bard, Histoire politique du pantalon, Seuil
Quelques codes vestimentaires courants
Informel : costume ou chemise-cravate pour les hommes, tailleur-pantalon ou tailleur pour les femmes.
Casual : décontracté, jean-t-shirt.
Tenue de ville : costume pour les hommes, tailleur ou robe habillée pour les femmes.
Black tie : smoking, chemise plissée, pochette et nœud pap pour les hommes, longue robe du soir pour les femmes.
White tie : habit de cérémonie avec un nœud pap blanc pour les hommes, longue robe du soir et gants assortis pour les femmes.
Tenue de soirée : habit de cérémonie ou smoking pour les hommes, robe du soir courte ou longue pour les femmes.
(Source : weassistyou.com)