Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

Les grands-parents sont-ils comme avant ?

La France compte 15 millions de grands-parents, très prĂ©cisĂ©ment 8,9 millions de grands-mères et 6,2 millions de grands-pères. Mais oĂą sont passĂ©s les anciens, plus ou moins courbĂ©s, en blouse grise ou portant le bĂ©ret, avec une gitane moitiĂ© Ă©teinte Ă  la bouche ? Les papis et mamies des annĂ©es 2020 ont plutĂ´t fière allure : actifs, sportifs, grands voyageurs au teint halĂ©, ils adorent s’occuper de leur descendance… Ă  condition (pour certains, pas tous !) qu’elle ne mette pas en pĂ©ril leur cours d’informatique. Des cours qui se rĂ©vèlent bien pratiques pour communiquer avec la famille quand celle-ci est Ă©loignĂ©e ou dans la situation que nous vivons aujourd’hui.

 

En France, 15 millions de papis, mamies, grands-pères, grands-mères, pĂ©pĂ©s, mĂ©mĂ©s, etc., attendent de pouvoir de nouveau serrer dans leurs bras leurs petits-enfants qui leur manquent cruellement en ce moment. Et pouvoir de nouveau jouer le rĂ´le qui leur est assignĂ© dans la famille. Si les anciens ont changĂ©, et font de moins en moins figures d’ancĂŞtres, leur mission en revanche, dans les grandes lignes en tout cas, est restĂ©e la mĂŞme qu’auparavant. « Ils sont lĂ  pour câliner, dialoguer, et surtout transmettre, des valeurs, des savoir-faire, une histoire familiale », selon la psychologue clinicienne Charline Jouint-Lesassier1 : les grands-parents sont la preuve que les petits-enfants n’arrivent pas de nulle part, mais de gĂ©nĂ©rations lointaines qui se sont succĂ©dé ; ils contribuent Ă  leur forger une identitĂ©, ils sont un lien avec le passĂ©, une Ă©poque oĂą il n’y avait pas Snapchat ni mĂŞme d’ordinateur au foyer. L’autorité ? Elle incombe aux parents. Les grands-parents, eux, ont une prĂ©sence qui rassure dans des familles traversĂ©es souvent par des tensions. C’est une source d’amour en plus pour les petits lorsque ceux-ci ont la chance d’en profiter, le temps faisant malheureusement son Ĺ“uvre, la maladie sa triste besogne…

Parfois – pas toujours, en tout cas pas avant plusieurs années2 – sortis de la vie active, les grands-pères et grand-mères ont plus de temps à consacrer à leurs petits-enfants qu’ils n’en avaient pour leurs enfants. Plus patients, plus dynamiques, moins stressés, ce sont en outre d’excellents partenaires de jeux de société ou de joutes sportives. « Ils sont nécessaires dans une société de stress, d’exigences, de performance et de technologie qui favorise l’isolement, écrit la psychologue Nathalie Parent dans Pour grands-parents seulement ! (Éditions Québec-Livres.) La situation d’un nombre croissant de parents seuls et de familles reconstituées augmente les difficultés, de même que le manque de temps et la présence constante des appareils techniques (ordinateurs, jeux vidéo) briment le développement des relations humaines. » Les grands-parents peuvent amortir ces stress par leur écoute, leur présence.

Une vie plus facile qu’avant

La génération de l’après-guerre, celle du fameux baby-boom, est devenue celle du papy-boom. Les grands-parents d’aujourd’hui sont plus jeunes que les Rolling Stones (tous multi-grands-pères). Ils portent des jeans, pianotent sur leur smartphone, partagent temps et loisirs avec leurs enfants et petits-enfants. Autrefois, c’étaient ceux des classes favorisées qui avaient cette chance ; les ouvriers et paysans mourraient jeunes. « L’espérance de vie s’est allongée, les retraites se sont généralisées, toutes les classes sociales ont la chance de pouvoir voir grandir leurs petits-enfants. »3

« Le suivi mĂ©dical est meilleur, on fait davantage attention Ă  la condition physique, les conditions de vie dans l’ensemble sont meilleures, donc les grands-parents d’aujourd’hui n’ont plus cette figure très diffĂ©renciĂ©e des gĂ©nĂ©rations suivantes, indique BĂ©atrice Copper Royer (lire son interview plus loin.) Les grands-parents d’aujourd’hui sont gĂ©nĂ©ralement nĂ©s après la guerre, ils ont connu le plein-emploi, la contraception, toutes ces choses qui font que leur vie a Ă©tĂ© plus facile que celle de leurs aĂ®nĂ©s qui ont subi des conflits, des privations. » Une Ă©poque de libĂ©rations tous azimuts, de conquĂŞtes importantes pour les femmes. « La contraception a changĂ© le rapport aux enfants, Ă  partir du moment oĂą l’on a eu le nombre que l’on souhaitait, quand on le souhaitait. Les liens se sont resserrĂ©s, et du coup, les enfants de ces baby-boomers aspirent Ă  ce que ces liens soient conservĂ©s entre grands-parents et petits-enfants. Ils attendent beaucoup des premiers, pour la garde, pour les vacances… »


Une présence qui rassure dans des familles traversées souvent par des tensions…

Égoïstes, les boomers ?

Les grands-parents d’aujourd’hui avaient, peu ou prou, la vingtaine au milieu des annĂ©es 70. Leur retraite, quand ils y sont, est faite de sport, de loisirs, de voyages, d’engagements dans les associations. Avec tout ça, pas trop le temps de s’occuper des petits-enfants. Et si 65 % des parents font garder leurs enfants par les grands-parents le temps des vacances4, 25 % des papis et mamies considèrent que s’occuper de leurs petits-enfants pendant les congĂ©s est une corvĂ©e ! D’oĂą l’apparition d’un nouveau terme pour dĂ©signer les petits qu’on est tout de mĂŞme content de voir au dĂ©but : les « chic-ouf », autrement dit, « chic ils arrivent, ouf ils repartent ». Quant Ă  jouer les nounous chaque soir dès la sortie des classes… L’argument ? « Il me reste peu de temps pour faire ce dont je rĂŞvais mais que j’ai mis entre parenthèses pour m’occuper de mes enfants et de ma vie professionnelle. » Alors, Ă©goĂŻstes, les boomers ? « En fait, explique la psychologue Nathalie IsorĂ©, on leur demande de remplir plusieurs rĂ´les : garde d’enfants, soutien financier, lieu de vacances. C’est beaucoup. »5 Surtout lorsqu’ils sont en train de vivre leur deuxième ou troisième vie de couple, qui concentre toute leur attention et toute leur Ă©nergie sur le (la) nouvel(le) Ă©lu(e) de leur cĹ“ur… Une fois de plus, le bon sens prĂ©vaut. Il faut savoir ĂŞtre lĂ  pour prendre le relais des parents quand ils sont fatiguĂ©s, pour leur donner un coup de main, mais sans que cela soit systĂ©matique. Dire non quand c’est nĂ©cessaire, choisir quand et comment s’occuper des petits. Vive les bons moments partagĂ©s, non aux contraintes !

Une période difficile

Des bons moments partagĂ©s… par Ă©crans interposĂ©s actuellement, en attendant le retour Ă  la normale. « C’est la double peine pour eux, dĂ©clare BĂ©atrice Copper-Royer. Ils sont les plus vulnĂ©rables face au Covid-19 et peuvent en plus souffrir d’un isolement assez fort. Les Ă©crans, ce n’est pas la mĂŞme chose que des journĂ©es passĂ©es ensemble. Mais c’est mieux que rien. » « Cela redonne du quotidien, ajoute la psychologue orlĂ©anaise Yveline Exbrayat. Les enfants peuvent montrer leurs dessins, leur chambre, etc. Or, ce qui crĂ©e une relation, c’est l’intimitĂ©, la proximitĂ©. Si les grands-parents n’ont pas peur de la vidĂ©o, des outils technologiques, cela peut crĂ©er de l’intimitĂ© lĂ  oĂą il y avait auparavant de la distance gĂ©ographique. » En tout cas, une parenthèse que chacun espère pas trop, trop longue Ă  se refermer…

1 : mamanvogue.fr, article : « Pourquoi les grands-parents sont très importants dans la vie des enfants »
2 : L’âge moyen des grand-mères au premier petit-enfant est de 54 ans, celui des grands-pères de 56 ans
3 : Claudine Attias-Denfut, ancienne directrice de recherche à la Cnav, citée sur parents.fr dans l’article sur « Les nouveaux grands-parents »
4 : Sondage Opinion Research pour le site Groupon
5 : Psychologie.com, 17/07/2019, article : « Égoïstes, les nouveaux grands-parents ? »

 

Le café des grands-parents
Une fois par mois, un groupe de paroles est mis en place Ă  Olivet, Ă  l’initiative de l’École des Parents et des Éducateurs du Loiret (EPE 45), en prĂ©sence d’un psychologue. On vient y parler de sa difficultĂ© ou de son impossibilitĂ©, quand les enfants ne veulent plus qu’il y ait de lien, Ă  ĂŞtre grand-parent. Un besoin pour rĂ©pondre au vrai dĂ©sir des seniors de crĂ©er de la relation. Gratuit, sur inscription à : contact@epe45.fr – 09 81 22 99 23. Bien sĂ»r, pour que cette activitĂ© reprenne, il va falloir attendre que la situation gĂ©nĂ©rale s’amĂ©liore…

 

Trois générations sous le même toit
Dès le dĂ©but du confinement, Sabine, retraitĂ©e chartraine, a rejoint Ă  Fleury-les-Aubrais sa fille Anne, mariĂ©e et maman de deux fillettes de 5 et 7 ans. « Ma grand-mère est dĂ©cĂ©dĂ©e deux semaines avant le dĂ©but du confinement, prĂ©cise Anne. Nous savions que cela allait durer longtemps, je ne voulais pas que ma mère reste seule en cette pĂ©riode. » La chambre d’amis a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e pour elle, le clavier installĂ© pour qu’elle poursuive ses cours de piano (une fois par semaine sur Skype) et ses gammes… Ă  la grande joie de ses petites-filles, qui profitent de l’ambiance musicale. Une relation somme toute apaisĂ©e, Sabine prenant soin de ne pas intervenir dans l’éducation des fillettes.
En revanche, un coup de main n’est jamais de refus pour aider aux devoirs, jouer aux Playmobils, lire des histoires… Ce n’est pas une nouveautĂ© non plus, Sabine ayant dĂ©jĂ  accueilli Ă  plusieurs reprises ses petites-filles chez elle pour une semaine de vacances. En attendant le retour de Sabine Ă  Chartres, les fillettes sont ravies. « Elles sont contentes qu’on soit cinq à la maison », conclut Anne.

 

Sébastien Drouet

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