Chaque année en France, 223 000 femmes de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques ou sexuelles au sein de leur propre foyer*. Un chiffre qui ne tient pas compte des personnes vivant en collectivité, ni de celles dormant dans la rue, et qui n’englobe pas davantage les brutalités verbales, psychologiques, économiques, administratives. La violence conjugale a, on le voit, de multiples visages… Nathalie Vallez, Sébastien Drouet
Selon la définition donnée par le site stop-violences-femmes.gouv.fr, « les violences au sein du couple se définissent comme des situations où les faits de violences sont à la fois récurrents, cumulatifs, s’aggravent, s’accélèrent et sont inscrits dans un rapport de force asymétrique et figé ». L’auteur de violences, à travers ses propos, la pression psychologique, économique, administrative qu’il exerce, et/ou son comportement brutal, cherche en fait à contrôler et détruire sa partenaire. Dès lors, à la maison, le climat de peur est permanent, et les conséquences désastreuses pour la victime : perte de l’estime de soi, stress, isolement… « Ces violences englobent également les viols, les mariages forcés – que l’on appelle poliment les mariages arrangés –, les mutilations sexuelles, la prostitution, qui n’est pratiquement jamais un choix », ajoute Gyslaine Jarmakowski, directrice régionale aux Droits des femmes et à l’égalité, qui n’oublie pas dans cet épouvantable tableau la vulnérabilité des enfants du couple, perturbés jusque dans leur future vie d’adulte… Un effrayant éventail de violences conjugales donc, qui, soulignons-le, touchent toutes les catégories sociales : 10 % des cadres supérieures, 10,2 % des femmes au foyer, 9 % des employées et 8,7 % des ouvrières les subissent, même si ce sont les classes les plus fragiles qui sont les plus touchées (13,7 % des chômeuses)**. Sans omettre les facteurs aggravants, comme l’alcool, ou ceux induisant une plus grande vulnérabilité : situation irrégulière sur le territoire, handicap, soumission professionnelle ou familiale…
Prise en compte récente
Face à cette situation, la société, heureusement, ne reste pas les bras croisés : la loi protège les victimes. Ainsi, le juge aux affaires familiales, saisi par la personne en danger, peut délivrer en urgence une ordonnance de protection : expulsion du domicile de l’auteur des violences, ou encore interdiction pour lui de rencontrer sa martyre ; autant de dispositions dont la violation entraîne deux ans de prison et 15 000 Ä d’amende. Et si une plainte a été déposée, c’est le juge pénal, cette fois, qui va prononcer des mesures de protection et engager des poursuites judiciaires contre l’homme violent.
La prise en compte du problème est cependant récente : « En 1994, intervient pour la première fois la reconnaissance d’une spécificité des violences au sein du couple, renforcée en 2000 par la mise en place d’un droit des victimes, rappelle Gyslaine Jarmakowski. En 2006, la prévention et la répression des violences au sein du couple est une étape importante de la législation. À partir de là, l’appareil législatif s’est étoffé d’année en année : protection des demandeuses d’asile, loi sur le harcèlement sexuel, protection des victimes pendant la procédure… » Parmi ces étapes importantes : la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Dans le cas qui nous occupe, elle prévoit tout un arsenal de mesures, parmi lesquelles l’éviction du conjoint violent du domicile (c’est désormais la règle), la création d’un stage de responsabilisation destiné aux auteurs de violences conjugales pour prévenir les récidives, la confidentialité garantie dans les centres d’hébergement, une obligation de formation de tous les professionnels en contact avec les femmes victimes de violences, le renforcement de la lutte contre le harcèlement, et de celle contre le mariage forcé, etc.
Briser le mur du silence
Mais concrètement, toutes ces mesures permettent-elles de faire reculer les violences ? « C’est très difficile à quantifier, car on n’aperçoit que la partie visible de l’iceberg, répond la directrice régionale aux Droits des femmes et à l’égalité. Cependant, grâce aux campagnes de sensibilisation, on ose aujourd’hui davantage en parler, et le nombre de femmes qui demandent de l’aide augmente d’année en année. Grâce à cela, beaucoup de dispositifs ont été créés depuis dix à quinze ans, tels que le LAE (Lieu d’Accueil et d’Écoute du Loiret), ouvert depuis 2007, qui cherche une solution dans la journée pour les femmes victimes. » Depuis le début de l’année, plus de 360 situations ont été prises en compte à Orléans par cette structure.
Désormais, médecins, police, justice sont formés à dans chaque région. Sans oublier que les accueils de jour ou les structures d’hébergement d’urgence sont également en croissance constante. Au point de pouvoir affirmer qu’aujourd’hui, les femmes victimes, à partir d’un simple appel, peuvent immédiatement être écoutées et guidées. Ce qui est une grande avancée…
* Moyenne tirée d’une enquête INSEE-ONDRP menée entre 2010 et 2015.
** Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff), 2001.