COMME LES CHATS, LISA SIMONE A EU PLUSIEURS VIES. DE L’US AIR FORCE AUX COMÉDIES MUSICALES DE BROADWAY, ELLE A SU TROUVER SA VOIX AVEC DEUX ALBUMS DE COMPOSITIONS PERSONNELLES.
Il y a des samedis peu ordinaires, comme celui-ci, où l’on a rendez-vous avec la fille de Nina Simone, venue à Orléans pour la première édition du festival Jazz Or Jazz, une programmation sur cinq jours au théâtre d’Orléans qui a réuni 5 000 Orléanais. À 53 ans, Lisa Simone est un rayon de soleil. Son énergie, sa joie de vivre et sa force illuminent son visage. Le temps ne semble pas avoir eu de prise sur elle. Lisa Simone a vécu une enfance ballottée d’un continent à l’autre : « Ma mère était pleine de douleurs, c’est difficile d’aimer quand on n’a pas eu d’amour. Pour mes 16 ans, elle m’a écrit : “J’ai maudit le jour où tu es née”. »
À 18 ans, Lisa s’engage dans l’US Air Force. Ce choix, elle l’explique comme la nécessité de prendre sa vie en main, et ainsi ne plus subir ce que lui imposaient ses parents. « J’étais désespérée, même si je pouvais exercer ce métier, je n’étais pas faite pour cela. C’était un cauchemar, cela a duré huit ans. » Au fi l des rencontres, elle va rejoindre la scène de Broadway, où elle se fera appeler Simone. « À 38 ans, j’ai appris à ma mère comment m’aimer. Quand elle me disait quelque chose de blessant, je n’hésitais pas à interrompre la conversation. Avec le temps, elle a compris que certains comportements n’étaient pas appropriés, à la fin on était très proches. » Nina viendra l’applaudir pour Aïda, comédie musicale pour laquelle Lisa a reçu le National Broadway Theater Award. En 2003, peu de temps après, Nina Simone décède. Lisa ne retourne pas à Broadway et commence à se produire hors des États-Unis. « Là-bas, je suis mal jugée, je suis la fille de ma mère », dit-elle. Pour comprendre, il faut regarder le documentaire « What happened Miss Simone ? ». « J’ai mis dix ans à réunir les documents d’archives pour raconter l’histoire de ma mère. »
La fille de Nina Simone s’émancipe
« En septembre 2013, j’arrive en France avec un rêve et deux valises. » All is Well, son premier album, voit le jour en 2014. Sur la pochette, elle se met à nu en dévoilant son dos tatoué. « Je cherchais une tenue pour la photo et c’est l’attachée de presse, en voyant mon dos, qui a trouvé l’idée. » Les signes qui suivent sa colonne vertébrale sont des symboles sacrés tibétains : « Je ne suis pas bouddhiste, mais je pratique la méditation et je suis même diplômée. Ce tatouage a changé ma vie de guerrière, chaque symbole a une couleur et un son. Le premier représente la tête, le second la gorge, le suivant le coeur, le ventre et la terre. Ce sont les fondations de ma vie. » Quant à la femme en bas de son dos, elle date de 1998, comme une prémonition : ce tatouage a été fait un an avant la naissance de sa fille. Pour son deuxième album My World, Lisa exulte, elle rugit de plaisir : « J’ai un sourire dans mon coeur, je suis entière, je suis moi, j’ai un coeur de lionne, surtout après être montée sur scène. » Les chansons de cet album sont liées à sa famille et à la paix intérieure que Lisa a trouvée. Aujourd’hui, elle vit dans la maison de sa mère à Carry-Le- Rouet, dans le sud de la France. Et elle entretient des liens forts avec RéAnna Simone, sa fille : « Cela fait vingt ans que je suis avec mon mari. Ma fille de 17 ans est choyée, cela n’a rien à voir avec mon enfance. C’est la troisième génération, elle écrit, elle chante, elle a déjà du talent ! »