À Orléans, ce tout frais quadra exerce la profession de commissaire-priseur. Rencontre avec un homme qui se définit comme un « médecin généraliste » du meuble.
Hormis cette conversation durant laquelle il détaillera les méandres de son parcours pendant plus de deux heures, Matthieu Semont dit être un « taiseux ». Un « laborieux », même, qui commence ses journées à 8 h et les finit rarement avant 22 h. « J’ai du mal à couper », reconnaît-il logiquement, lui qui, en 2013, aura fait résonner plus de 7 400 fois son marteau lors des ventes aux enchères qu’il aura dirigées.
« Je vends de tout, explique-t-il sommairement. Des boulangeries, des usines de sidérurgie, des magasins de lingerie, des sex shops… ». Ça, c’est lorsqu’il enfile son costume de commissaire-priseur judiciaire, mandaté par le Tribunal de Commerce quand sont prononcées des liquidations. Lorsqu’une personne est placée sous tutorat ou sous curatelle, il intervient aussi, pour le compte du TI ou du TGI, afin de réaliser l’inventaire de ses biens. Mais Matthieu Semont est aussi commissaire-priseur « volontaire », une activité libéralisée depuis 2001 : des personnes privées peuvent alors venir le voir pour vendre leurs biens aux enchères. Dans tous les cas, la notion de transmission est au cœur de sa pratique. « Je ne suis qu’un rouage, un médiateur. Mon but, c’est qu’un objet continue sa vie. » En prenant en compte son histoire, et la part d’humanité qui s’y est incrustée : « Derrière chaque objet, il y a une personne. Vous ne pouvez pas, par exemple, être insensible au parcours d’un chef d’entreprise mis en redressement et qui a porté sa boîte pendant 30 ans… »
« Au début, il m’arrivait d’être aphone… »
Une grande partie du travail de Matthieu Semont est donc consacrée à « priser » des objets, c’est-à-dire à évaluer leur prix. Un intense boulot de documentation et de recherche qui ne s’effectue pas uniquement dans les grimoires : contrairement aux idées reçues, le commissaire-priseur est loin de ne vendre que des fauteuils Louis XV… « C’est une profession où l’on nous prend pour des dinosaures », soupire Matthieu Semont, souriant aussi à l’évocation de ces fameuses ventes aux enchères qui colportent encore quelques clichés bien sentis. « C’est le côté magique du métier qui fait fantasmer, reconnaît-il. Moi, je m’y sens plus comme un escrimeur que comme un acteur. Car des ventes de 5 heures, ce ne sont pas vraiment des one-man-show… » On soumet dans la conversation l’idée que pour faire ce job, il ne faut tout de même pas avoir l’ego d’une feuille de laitue. Lui préfère mettre en avant sa « curiosité » : « Nous sommes toujours en quête de sens », estime-t-il, en précisant que, « derrière les paillettes, il y a une armée de techniciens en coulisse… »
Pendant plusieurs années, lui-même – qui lorgna à une époque sur la carrière de juge pour enfant – a pris le temps de se former aux rouages du métier. Un stage au cabinet londonien Sotheby’s, une expérience chez Me Pousse-Cornet, à Orléans, et quelques années à l’hôtel Drouot avant de se lancer en solo. Et au fait, quand on fait passer des meubles, est-il facile de transmettre ses propres compétences ? « C’est délicat, car je me sens faillible et très conscient de mes propres lacunes. Et puis, pour arriver à apprendre de moi, il faudrait courir aussi vite que moi… ».
Bio
1973 : naissance à Gien
2001 : obtient son diplôme de commissaire-priseur
2005 : obtient sa charge de commissaire-priseur judiciaire
2009 : création de Philocale, sa maison de vente aux enchères