Au moment du confinement, la société dans son ensemble n’a pas eu de mots assez forts pour remercier les producteurs et les relais de circuits courts, souvent organisés en drive ou assurant des livraisons, d’être restés sur le pont afin de permettre à tout le monde de se nourrir. Or, juste après cette période, les nouveaux consommateurs sont retournés vers le circuit classique, les hypers…
« Pendant le confinement, j’ai gardé mes clients habituels et de nouveaux sont venus, qui ont découvert à cette occasion les produits bio. Et ça s’est arrêté là. Après le confinement, les nouveaux sont repartis dans le circuit normal. » Xavier Mercier, créateur de l’Éco Bocal, à Orléans, constate comme beaucoup d’autres que le pli du bio ou du local n’a pas été définitivement pris par les consommateurs qui sont pourtant venus en nombre, dès la mi-mars, vers ces lieux d’approvisionnement qui offraient la possibilité d’acheter des produits près de chez soi, et sans se bousculer, ou de se les faire livrer, quand il fallait encore une autorisation officielle pour sortir le bout de son nez.
Et cela dépasse les limites du seul bio : les producteurs, quels qu’ils soient, subissent souvent une désaffection après avoir été vantés sur tous les tons. Gérard Michaud gère avec son frère la Racinerie (Saint-Cyr-en-Val), où l’on peut acheter légumes et conserves en direct. Sortant de trois mandats d’élu dans sa commune, en charge de l’agriculture, du commerce et de l’environnement, président des marchés de la métropole pendant vingt ans, il est au courant de beaucoup de choses. « En fonction de la façon dont certains marchés ont été gérés, il y en a qui ont chuté et qui ne remontent pas, d’autres qui se sont stabilisés, et enfin d’autres qui ont connu des embellies passagères mais sont retombés à la normale. À chaque décision préfectorale ou municipale, on a renvoyé les gens vers les grandes surfaces où il n’y a pas d’agent prêt à verbaliser en cas de non-port du masque. Ça n’a pas créé un climat de confiance envers les marchés pour les consommateurs. » Consommateurs qui, soit dit en passant, ont un problème de mémoire… « Mes collègues qui habitent loin des agglomérations ont connu une embellie, on est venu les chercher, – “vous êtes les plus importants du monde” –, mais au mois de juin, avec le déconfinement et l’arrivée des vacances, ils se sont retrouvé le bec dans l’eau. »
Une prise de conscience, tout de même
Ce n’est pas le cas de la Racinerie, proche de la ville et spécialisée dans le circuit court depuis 40 ans, même s’il y a eu un avant déconfinement et un après : elle a vendu quatre fois plus de paniers au printemps ! Aujourd’hui, par rapport à une période « normale », le gain est de 20 %… « J’espère que l’on aura un niveau normal en fin de saison ; il faut laisser passer l’automne, l’hiver et le début du printemps 2021 pour voir. »
De son côté, Adeline Rorato, directrice des Paniers bio du Val de Loire/Val Bio Centre, a remarqué une nette augmentation de la demande pendant le confinement. Mais elle ne s’est pas traduite par une augmentation du nombre d’abonnés : « Nous distribuons les paniers (90 % en région parisienne, le reste dans le nord d’Orléans) dans des points de dépôt, des petits commerces pas forcément alimentaires qui ont dû fermer. Cela nous a pénalisés. Nous avons dû arrêter trois semaines. » Aujourd’hui, la demande reste très forte, que la réorganisation en cours permet de satisfaire. « Les gens ont compris l’importance de s’approvisionner près de chez eux en produits dont on connaît la provenance. Nos producteurs, qui travaillent aussi en direct, ont connu, pendant le confinement, un afflux deux à trois fois supérieur à la normale. » Mais pour savoir si l’élan est conservé – car Adeline Rorato indique qu’une autre partie des consommateurs est retournée dans le circuit classique –, il faudra là aussi faire les comptes en fin d’exercice…
Sébastien Drouet