La tendance qui consiste à s’affranchir du soutien-gorge, s’est accélérée à la suite du confinement. Mais qui sont les adeptes du No Bra ? Et comment ce phénomène est-il perçu dans notre société ? L’enquête menée par l’Ifop* nous éclaire.
La poitrine serait l’objet de toutes les convoitises ? Caché ce sein, ou plutôt ce téton, auquel je ne saurais résister… Pourtant le phénomène s’accélère suite au confinement, une jeune fille sur six, de moins de 25 ans, ne porte jamais de soutien-gorge, soit une proportion quatre fois supérieure à celle mesurée avant le confinement. Malgré un retour à des conditions de vie plus « normales », les adeptes du « No Bra » restent donc quasiment aussi nombreuses que durant le confinement (20 % en avril), signe d’un certain ancrage de cette nouvelle pratique chez les jeunes françaises. Quelles sont vraiment leurs motivations ?
Le droit au confort
Les soutien-gorges sont oppressants, on respire moins bien, ils peuvent être irritants, et en cas de fortes chaleurs on a envie de s’habiller plus légèrement. C’est pour toutes ces raisons que 53 % des femmes font le choix du « No Bra ». Mais le désir de confort serait donc perçu comme une provocation ?
Tétons provocateurs
La partie du corps la plus sexuée chez les femmes et la plus excitante serait donc plus précisément les tétons qui pointent ? C’est ce que révèlent les résultats du sondage : nombre de jeunes filles rapportent avoir déjà été victimes de diverses formes de harcèlement en raison de leur poitrine : 55 % des femmes de moins de 25 ans déclarent que leurs seins ont déjà fait l’objet de regards concupiscents et environ 40 %, de remarques gênantes ou d’insultes sexistes. Un quart d’entre elles rapportent même que leur poitrine a déjà fait l’objet d’attouchement sans leur consentement.
La génération, des moins de 25 ans, conçoit le « No Bra » comme un acte de libération de leur corps
La pratique du « No Bra » révèle l’ancrage de la « culture du viol » et des injonctions à la « pudeur » pesant sur les poitrines féminines : l’idée selon laquelle « le fait qu’une femme laisse apparaître ses tétons sous un haut devrait être, pour son agresseur, une circonstance atténuante en cas d’agression sexuelle » est partagée par 20 % des Français.
Une revendication féministe ?
La nouvelle génération, celle des moins de 25 ans, conçoit le « No Bra » comme un acte de libération de leur corps, une véritable appropriation de leur poitrine : elles sont (32 %) à expliquer que leur choix est déterminé par « le souhait de lutter contre la sexualisation des seins féminins qui impose de les cacher au regard d’autrui. » Mais comme le souligne François Kraus, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l’Ifop, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour s’affranchir des codes et pouvoir disposer librement de nos corps : « Bien qu’il soit aujourd’hui soutenu par un mouvement plus large de libération à l’égard des normes de beauté féminine – trouvant notamment un écho sur les réseaux sociaux avec des hashtags comme #FreeTheNipple ou #NoBraChallenge –, l’abandon de ce que les féministes des années 60 avait érigé en symbole de l’oppression vestimentaire des femmes ne semble pas à la portée de toutes… D’abord pour des raisons physiques et esthétiques : l’étude confirme que toutes les formes de seins ne peuvent s’affranchir aussi facilement de ce tissu et que nombre de femmes apprécient cette lingerie dans laquelle elles se sentent à la fois plus belles et plus féminines. Ensuite en raison des difficultés culturelles à “désérotiser” une partie du corps féminin qui, restant un puissant objet de désir, attise plus que d’autres les formes de « pression sexuelle » subies par les femmes dans l’espace public. »
Cela ne doit en aucun cas venir justifier quelques agressions que ce soit, mais on ne peut être dans le déni de sensualité des tétons que l’on dévoile. La question de l’intime se pose, comment en définir les contours ? Quelles sont les circonstances et les lieux où il est opportun de s’affranchir de protège-
tétons, qui ne sont pas aussi contraignants qu’un soutien-gorge ?
* Étude Ifop pour Xcamsréalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 9 au 12 juin 2020 auprès d’un échantillon de 3 018 personnes, représentatif de la population âgée de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine.
Adèle Gallant