Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

Nouvel An : la fête obligée ?

À 20 ans, on échangerait n’importe quoi pour un réveillon de la SAINT-SYLVESTRE avec ses copains. Puis, le temps fait son œuvre. Au point qu’à 40 ans, on donnerait tout pour un réveillon tranquille, en amoureux ! Ou du moins, pour une soirée moins préparée, moins solennelle, plus naturelle. Car il faut bien l’avouer, le Nouvel an ressemble de plus en plus à une injonction sociale : surtout, ne pas rester seul(e) ; surtout, être joyeux(se). Quitte à faire semblant… Sébastien Drouet

Les origines

Si la date de la naissance du petit Jésus a été arbitrairement fixée au 25 décembre par un moine du VIe siècle, débuter la nouvelle année le premier janvier ne remonte qu’au XVIe. Le 9 août 1564, le roi de France Charles IX l’imposa par la Déclaration du Roussillon, qui confirmait l’article 39 de l’Édit de Paris (1563). Pourquoi cela ? Afin d’uniformiser le royaume – alors en proie aux guerres de Religion – où l’année commençait le 25 décembre dans certaines régions, à Pâques dans d’autres, souvent le premier avril… d’où la tradition du poisson ! En effet, jusqu’alors, il était habituel d’offrir de la nourriture durant la semaine mariale, les jours suivant l’Annonciation faite à Marie, époque qui, comme nous l’avons dit, marquait la plupart du temps le début de l’année. Ceux qui ignorèrent le changement décidé par le Roi se virent offrir des cadeaux à base de nourriture, mais sans viande.

Donc… du poisson !

La mesure prit effet le 1er janvier 1567. En 1582, le pape Grégoire la généralisa à l’ensemble du monde chrétien en même temps qu’il institua le calendrier dit grégorien à la place du calendrier julien, dans un souci d’unité là encore.

En France, sous la Révolution, le calendrier changea, et la nouvelle ère commença le 22 septembre 1792, autrement dit le 1er vendémiaire de l’an I. En 1805, Bonaparte devenu Napoléon Ier décida le retour à l’ancien calendrier.

L’année 1806 débuta donc le 1er janvier. C’est resté depuis !

Une tradition

Le 1er janvier est férié depuis 1810. Mais le passage à la nouvelle année se fête dès la veille au soir, à la Saint-Sylvestre. Rien de ce qui fait les habitudes de cette soirée particulière n’est dû au hasard. Les vêtements chics ? Il fallait autrefois porter au moins un habit neuf pour la nouvelle année, en signe de renouveau (mais l’expression « se mettre sur son trente et un » n’a aucun rapport). Le repas amélioré ? Depuis l’Antiquité (les historiens situent les premières célébrations de la nouvelle année à Babylone, deux mille ans avant notre ère), les agapes se déroulent en dégustant des mets qui sont censés porter bonheur. Plus le festin est fourni, meilleure sera l’année ! En fait, beaucoup de superstitions entourent la Saint-Sylvestre et le Premier de l’an. Si l’on s’embrasse sous le gui, plante sacrée depuis les Gaulois, c’est parce qu’il porte bonheur, lui aussi. Cependant, il s’agit d’une coutume d’origine anglaise. Puis on offre ses meilleurs vœux de « bonne année » et de « bonne santé » à son entourage pour, là encore, porter bonheur. Superstitions toujours : pour que l’année soit bonne, il faut voir en premier une personne de l’autre sexe, dit-on. Mais attention, il ne faut pas qu’une femme vous souhaite la bonne année la première !

L’année précédente est enterrée, place à la nouvelle, célébrée dans la joie… et le bruit : pétards, coups de klaxon, cotillons, feux d’artifice, sont censés faire fuir les mauvais esprits. Superstition, superstition…*

Pourquoi on s’en lasse

« Alors, vous faites quoi pour le 31 ? » La question, si elle ne vous a pas encore été posée, ne devrait plus tarder. D’année en année, on peut ressentir une lassitude, due au fait de devoir organiser ou y penser des mois à l’avance, de se sentir obligé de faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire, mais trop pour être honnête. Selon le sociologue suisse Jorg Stölz, « ces moments qui symbolisent le passage du temps nous poussent à la réflexion et donc à une possible crise. Il est plus simple de les supporter en compagnie que seul, et en faisant la fête au lieu de se perdre dans ses pensées »**. Le temps qui passe, une année de plus… Ce serait donc l’explication de cette légère chute de moral qu’on pallie en se regroupant, et en se disant que l’année nouvelle, si elle annonce une bougie supplémentaire sur le gâteau, marque aussi la renaissance de la société, les jours qui commencent à rallonger…

Faire la fête, donc. Oui mais bon, rien d’exceptionnel. Chez nous, la fête s’est banalisée. De soirées étudiantes du jeudi en week-ends festifs, l’année d’un jeune adulte, puis d’un adulte tout court, est rythmée par les bacchanales. Le Premier de l’an n’en est qu’une de plus, un peu plus codifiée, c’est tout. Et c’est le problème. À moins de tenter quelque chose de vraiment différent. Quand on a les moyens, passer minuit dans une capitale européenne, à effectif réduit (en famille ou avec un autre couple), voilà la tendance depuis quelques années.

Fête obligatoire

Toujours est-il qu’ici ou là-bas, on se sent contraint de faire quelque chose. « La fête a toujours eu un aspect obligatoire, intervient le sociologue Christophe Moreau. Dans l’Antiquité romaine, il y avait beaucoup moins de jours ouvrables, car on devait fêter les nombreuses divinités, les empereurs, les grandes batailles, etc. Et ceux qui étaient pris à travailler lors d’un jour de fête devaient payer un cochon en amende ! La fête est finalement très conformiste. Il y a une pression sociale, et aujourd’hui une pression commerciale, comme il peut y avoir aussi une pression familiale, pour être tous ensemble à Noël ou pour une fête de mariage par exemple. Et cette pression sociale génère évidemment de l’ennui, car les enquêtes montrent que les fêtes les plus réussies sont souvent les fêtes spontanées, celles que l’on n’avait pas prévues à l’avance. »
Or, ce conformisme et cette routine n’empêchent pas les groupes sociaux d’être créatifs et d’organiser de belles soirées : « D’après nos enquêtes, poursuit le sociologue, la fête réussie repose sur trois piliers : les amis, la musique et l’ivresse. »

* Sophie Horay-Lounguine, Historia, janvier 2012

** Migros magazine, 19/12/2016

*** Slate.fr, 30/12/2016, article : « Pourquoi nous nous sentons obligés de passer une soirée extraordinaire le 31 décembre ? »
**** L’Express styles, 31/12/2017, article : « J’ai décidé de ne plus fêter le Nouvel An et cela n’a rien de déprimant ! »

Ne rien faire, est-ce raisonnable ?

Ne rien faire ce soir-là ?! Mais vous voulez être pris(e) pour un(e) paria ou quoi ? Être seul(e) au Nouvel An, c’est la lose, c’est passer pour quelqu’un sans ami, sans argent, un(e) asocial(e) qu’on n’invite pas. « Faire la fête au Nouvel An n’est pas un choix personnel, selon le sociologue Christophe Moreau. C’est d’abord lié à des normes sociales. »*** Être heureux à tout prix, même de manière forcée, factice, en espérant que l’année le sera aussi, heureuse. Un vieux fond de superstition qui perdure… D’autres, au contraire, voient dans ce choix de ne rien faire une forme de snobisme à refuser les invitations, une réaffirmation de sa liberté devant les contraintes et les conventions****. Ras-le-bol de tomber dans les bras et de faire la bise à des gens qu’on n’a jamais vus avant et qu’on ne reverra jamais ! Sans oublier que le réveillon étant l’une des soirées les plus alcoolisées qui soient, le premier janvier nauséeux a tout du jour le plus déprimant de l’année qui ne fait pourtant que commencer…

Réussir son réveillon, mode d’emploi

Pas rebuté(e) par le challenge, vous avez décidé d’organiser la dernière soirée de l’année chez vous ? Bravo ! Mais pour qu’elle soit vraiment réussie, voici quelques conseils à appliquer. Le premier qui nous vient en tête ? Puisque le risque, c’est la déception, due à trop d’organisation, trop d’attente, faites-en une fête cool, bon enfant. Pourquoi, par exemple, ne pas faire une entorse à la tradition en installant une fontaine à chocolat, dont on se gargarisera à l’envi en y plongeant des fruits, de la brioche ou des gâteaux, plutôt que les sempiternelles huîtres et l’incontournable foie gras que l’on consomme désormais toute l’année ?

Si vous optez pour du traditionnel, pour être sûr(e) de ne pas vous louper, n’oubliez pas de garnir le buffet en qualité et en quantité – rien de pire que des assiettes et des verres vides alors que minuit n’a pas encore sonné. Parmi les autres trucs obligatoires à inscrire en lettres capitales sur votre check-list, pensez à définir un thème pour se déguiser ou s’habiller en accord, pensez aussi aux accessoires pour rigoler, et au super p’tit déj quand poindra l’aube (rien de tel pour se revigorer).

Autre idée très originale, à condition de s’y prendre super à l’avance : louer les services d’un chef qui va faire les courses et mitonner un inoubliable menu sur mesure (ok, ça se paie. Mais la somme se divise, aussi…), et ceux d’un DJ de métier, un vrai, un pro, qui sait lancer la musique qu’il faut quand il le faut. Et croyez-le, ce n’est pas donné à tout le monde !

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