Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

On verra ça demain !

Le monde moderne est un véritable dictateur. Il ne nous laisse même plus le temps de souffler. Il nous pousse sans cesse en avant, nous bouscule violemment, nous précipite dans une urgence folle. Il ne supporte pas l’instant et refuse qu’on ne fasse pas les choses immédiatement, sur-le-champ, là, tout de suite, maintenant, séance tenante ! Il a la haine du temps qui passe et du temps que l’on prend pour soi – ce grand vide qu’il faut remplir à toute vitesse, par tous les moyens ! « Ne pas attendre une seconde ! Ne jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même ! » sont ses slogans, ses marques de fabrique, son credo, son diktat ! Remettre à plus tard est un crime de lèse-société. Un outrage à la bonne marche de l’Histoire, une insulte à cette époque survoltée qui ne s’arrête jamais de courir. À bout de souffle. Par provocation, j’aime pratiquer l’art de la procrastination. J’aime déclarer « on verra ça demain » comme on fait un doigt d’honneur. J’élève le « pas maintenant » au rang de religion. Et j’assiste au temps qui passe comme à une messe. Adieu les bonnes résolutions de la nouvelle année qui font leur come-back tous les ans, même jour même heure. Régime strict. Plus de chocolat ni d’alcool. Sport à outrance. Tant pis pour la centaine de mails non lus en stock et les factures qui s’amoncellent comme des feuilles mortes. J’ai l’angoisse de la rigueur. La phobie du « devoir faire illico ». Le vertige de l’organisation immédiate. J’ai la bonne résolution en horreur. J’exècre la tâche inexorable qui se rapproche de plus en plus. Dans ces moments-là, je m’extrais du temps. J’aime ne plus être moi-même, mais l’à-venir de moi-même. Une projection de soi. Exister, c’est s’anticiper. C’est être un demain, un après-demain. Un autre jour. JE est un autre qui n’est pas encore, mais qui peut surgir à tout instant. Imprévisible. Les bonnes résolutions sont l’annihilation de tous ces êtres possibles. Elles sont la nécessité contre le hasard. Les garde-fous de ce qui constitue le piment de la vie : le plaisir et l’inconnu.

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