Impénétrables, les voies du plaisir féminin ? Elles sont assurément mystérieuses ! La masturbation féminine est toujours taboue, pourtant cela reste encore le meilleur moyen d’atteindre l’orgasme. Ambre Blanès
Du 18e au 20e siècle, l’éducation sexuelle veillait à combattre la masturbation(1) que le corps médical jugeait responsable de maux comme la surdité précoce ou encore conduisant les femmes à l’hystérie, ce que l’on traitait par l’emprisonnement avec camisole. Aujourd’hui, l’éducation sexuelle joue un rôle préventif pour la santé mettant en garde contre l’avènement de la pornographie mais elle banalise toute notion de plaisir ou de bien-être.
La masturbation féminine refléterait toujours un manque de satisfactions sexuelles dites normales, soit grâce à un partenaire. Ce sont les premières concernées qui taisent le phénomène : les femmes confieraient plus facilement comment elles font l’amour plutôt que comment elles se caressent. « Si elles ont dépassé le stade de la honte, leur refus ou leur réticence de se confier signifie que le tabou subsiste », souligne Serge Tisseron, psychanalyste. En couple, souvent, le déni est de mise : la plupart vont jusqu’à ignorer la masturbation comme faisant partie de la vie maritale, quand bien même lorsque leur conjoint masculin s’y adonne. Du fait d’une vision majoritairement masculine de la sexualité dans la société contemporaine et centrée sur la pénétration, les femmes se sentent obligées de penser qu’elles n’en ont plus besoin. Pourtant le nouveau rapport Hite(2) démontre que pour 85 % des femmes, la masturbation est le meilleur moyen d’accéder à l’orgasme contre une fois sur trois avec un partenaire. La science le confirme : plus l’activité sexuelle est fréquente, meilleure est la vie sensuelle. Le désir est exponentiel, l’orgasme est plus accessible et l’image de soi-même plus gratifiante. En outre, pour faire de la relation sexuelle un véritable échange et non une quête de réassurance à travers l’autre, il est préférable de dépasser la méconnaissance de son corps afin d’apprendre à l’aimer pour ensuite guider son partenaire dans la quête de son propre plaisir. Cette communion avec soi ne met aucunement en péril le couple mais diversifie la libido.
Un site do it yourself
En 2017, deux anciennes colocataires de fac, Lydia Daniller (lesbienne) et Rob Perkins (hétérosexuelle), réunissent des chercheurs designers, éducateurs et sexologues, passionnés par le projet de créer une ressource sincère et pratique sur le plaisir des femmes : ainsi naît le site OMGYES(3), où le plaisir sexuel rencontre la recherche scientifique. Ils ont mené une étude auprès de 2 000 femmes, de 18 à 95 ans, issues de différents milieux sociaux et avec différents types de sexualité, et ont constitué une base de données scientifiques pour répondre à : comment se masturber afin de jouir toute seule(4) ? Mais ce site s’adresse aussi aux couples. Il donne accès à une bibliothèque de bons tuyaux délivrés par la communauté « comme des confidences entre amies ». Plus explicites, 50 vidéos montrent comment les techniques fonctionnent concrètement. Et l’orgasme ? S’il existe un tas de techniques différentes, dont certaines remportent davantage de suffrages que d’autres, chaque femme ayant sa propre sensibilité émotionnelle et anatomique, la règle d’or est de ne surtout pas le considérer comme un but à atteindre. La pression de l’orgasme est la meilleure façon de ne pas l’atteindre. Il y a tant de sortes et d’intensités d’orgasmes que se donner du plaisir peut mener à une vie sexuelle très satisfaisante dès lors qu’on dépasse la vision binaire « orgasme, succès / pas d’orgasme, échec ». Comme le suggère Claire Kim, manager du site, pourquoi ne pas surfer sur OMGYES en couple pour apprendre de façon ludique à mieux se connaître ?
Sources :
(1) Le livre École, sexe et vidéo d’Hélène Romano, (2014 éditions Dunod).
(2) Le rapport Hite (1976) est le résultat de 4 ans d’enquêtes menées par Shere Hite auprès de 3 000 femmes interrogées sur leur sexualité.
(3) www.omgyes.com adhésion annuelle payante.
(4) L’étude Sexual Behavior in the Human Male indique que les femmes découvrent la masturbation souvent seules et plus tard que les hommes.