Anne Delouis est enseignante à la faculté de Droit d’Orléans. Mère de trois enfants, originaire d’un village près de Bonn, cette Allemande a vécu à Cambridge, Paris et Athènes. Elle vit à Orléans depuis 2006. Anne voit notre ville autrement…
Qu’est-ce qui vous a séduite quand vous avez découvert Orléans ?
J’aime beaucoup le quartier entre la rue Jeanne-d’Arc et la Loire. Orléans intra-muros a un potentiel énorme, avec son bâti ancien et l’ouverture sur le fleuve. J’apprécie la variété des commerces, je ne finis pas d’en dé-couvrir : chapelleries, coutelleries, fleuristes originaux, beaucoup de petites boutiques spécialisées gérées par des artisans qui aiment leur métier.
Les marchés mériteraient d’être encore plus connus et fréquentés : on peut passer des moments tellement agréables. Quai du Roi le samedi matin, on y trouve les fruits des producteurs locaux. J’apprécie aussi les grandes manifestations qui rythment l’année à Orléans : rentrée en fête, festival de la Loire, fêtes de Jeanne d’Arc au centre-ville et à l’île Charlemagne. On pardonnera à une Allemande de penser que le marché de Noël est peut-être un peu moins authentique ici que dans d’autres régions françaises, mais il semble plaire aux gens… Ici, nous avons la chance de vivre au cœur d’une région riche culturellement ; on arrive à un château classé au Patrimoine mondial en un rien de temps, à Paris on serait encore bloqué sur le périphérique…
Qu’est-ce qui vous a surprise ?
J’ai cherché des terrains de jeu pour mes enfants – j’ai fini par en trouver : le Jardins des plantes est charmant, par exemple, le parc Pasteur aussi, avec son petit train et le manège traditionnel. Mais je pense toujours qu’il n’y a pas assez d’espaces aménagés pour les enfants, surtout en centre-ville. Dans un pays qui est champion d’Europe pour la natalité, je pensais qu’il y aurait eu plus d’infrastructures de proximité pour les enfants. C’est assez symptomatique que le pauvre petit bac à sable ait été enlevé du jardin de l’hôtel Groslot après la rénovation.
Notre système scolaire vous semble-t-il mieux ou moins bien qu’en Allemagne, et pourquoi ?
En Allemagne, le premier jour à l’école est un jour de fête avec cadeaux pour les enfants, musique, champagne et petits fours pour les parents, discours de bienvenue du directeur ou de la directrice. Ici, on est prié de partir assez rapidement le jour de la première rentrée : l’école, c’est du sérieux, c’est du « travail ».
Sur un plan purement matériel, en Allemagne, les écoles, au moins celles que je connais, sont souvent plus spacieuses et mieux équipées. Mais ce n’est pas là le plus important. J’ai rencontré des enseignantes extrêmement impliquées ici, je suis heureuse de leur confier mes enfants. Quand nous rentrons en Allemagne l’été, je les trouve scolairement plus avancés que beaucoup de petits Allemands du même âge, mais bon, les mamans sont rarement très objectives !
En Allemagne l’école finit à midi ou 13 heures. C’est un système dont on dit maintenant qu’il renforce les inégalités : certains profitent des après-midi pour les activités sportives, le conservatoire, la lecture, etc., d’autres n’ont pas cette chance-là et seraient peut-être mieux à l’école. En même temps, on ne demande pas aux jeunes enfants de tenir bon pendant des journées aussi longues qu’en France. Cela me choque toujours un peu quand mes enfants me disent le soir qu’ils sont fatigués parce qu’ils ont beaucoup « travaillé ».
Ce qui est amusant quand on suit l’actualité dans les deux pays, c’est que chacun vante les avantages de l’école chez l’autre : en Allemagne, on veut maintenant proposer des cours l’après-midi et installer des cantines dans les écoles, en France on parle d’activités moins scolaires l’après-midi, des clubs animés par les professeurs, etc. Ce serait sûrement une bonne idée de combiner les avantages des deux systèmes, aussi en ce qui concerne la longueur des vacances et leur répartition dans l’année, mais c’est encore un autre débat.
Orléans est engagé dans le développement durable, est-ce visible pour vous ?
Je vois tout à fait les efforts consentis par la Ville. Je pense que les Orléanais sont souvent prêts à aller encore plus loin – beaucoup se sont mis au vélo, ou ont trié leurs déchets même avant l’arrivée des nouveaux bacs. Les travaux ne facilitent ni l’un ni l’autre en ce moment. Pour les pistes cyclables, dans beaucoup de rues, on pourrait faire un peu plus que de la peinture verte à peine visible sur l’asphalte noir : à Londres, c’est une sorte de bleu fluo que personne ne peut ignorer, par exemple. J’espère que l’intérêt que la Ville affiche pour le développement durable est plus qu’une mode passagère. En Allemagne, le mouvement écologique est devenu main-stream il y a plusieurs années voire des décennies maintenant, et c’est un peu plus rentré dans les mœurs qu’ici : une administration qui se veut respectueuse de l’environnement n’imprimerait jamais des brochures d’information sur du papier glacé, et ne distribuerait pas des stylos-bille jetables comme cadeaux publicitaires, par exemple. Mais c’est toujours facile de critiquer les autres, on a tous tellement de progrès à faire dans ce domaine !
Que voudriez-vous importer d’Allemagne à Orléans dans votre quotidien ?
Si je pouvais, ce serait un peu plus de civisme dans l’espace public. On finit par s’habituer à tout, mais le manque de propreté dans les rues est quand même assez désagréable ! Je sais que ça choque aussi beaucoup de touristes qui viennent en France, à Paris en premier lieu, mais aussi à Orléans. Je ne sais pas si c’est l’une des causes ou plutôt une conséquence de l’état des rues, mais en centre-ville, on a souvent l’impression que les maisons tournent le dos à la rue, les gens s’emmurent littéralement. Dans d’autres villes que je connais, les maisons et jardins sont beaucoup plus ouverts vers la rue, et les gens se sentent plus responsables de ce qui se passe devant leur maison, et celles des autres. On nettoie, on déneige, on jette les déchets à la poubelle, on fait attention aux autres, et la vie urbaine devient du coup plus agréable pour tout le monde.