Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

RETOUR AU BERCAIL !

Moi aussi j’ai bien failli m’appeler Tanguy. Un pacha de 25 ans vivant confortablement chez ses parents, s’inventant des faux projets pour les rassurer le plus longtemps possible…

Espèce d’étudiant attardé, végétant sans gloire au frais des Trente Glorieuses. Ma passivité de 1972 s’étirait tous les jours jusqu’à midi dans la réussite soyeuse et douillette de 1968. Je n’avais pas connu les barricades, mais j’étais pourtant toutes les nuits sur le pont à savourer ma paresse et à lancer des pavés d’insolence à la face du monde. Car je savais que la vie m’attendait, juste derrière la porte de chez mes parents ; qu’il n’y avait qu’à la pousser. Mais les Tanguy d’aujourd’hui n’ont plus du tout le même visage qu’il y a vingt ans. De nos jours, ils ont la gueule de l’emploi, celle justement de ne pas en avoir. Le monde moderne ne leur fait plus de cadeau. La jeunesse est pauvre. Elle est une aumône. L’âge d’or de l’embauche est revenu à son âge de pierre et à défaut de vivre de ses propres ailes, on retourne au nid, complètement déplumé. Tanguy n’a plus seulement 25 ans, il n’est pas nécessairement célibataire. Tanguy peut en avoir 40, être marié, avoir des enfants et vivre chez papa-maman devenus papy-mamie. Le monde d’aujourd’hui est une fabrique à clodos. Il fabrique une jeunesse en danger de mort. En danger de ne plus en avoir pour très longtemps. Face à la génération qui a tout eu, la jeunesse n’a plus rien. Elle est une génération sans abri, sans domicile, sans papiers, sans emploi, sans argent, sans avenir. Elle est un préfixe d’exclusion qui ne sait plus conjuguer sa vie au futur. Les Tanguy n’appartiennent plus à la race des glandeurs. Ils sont des travailleurs noyés dans leur présent, des adultes ordinaires qui squattent leur ancienne chambre d’enfant alors que leur destin est ailleurs, sur d’autres papiers peints. Tanguy n’est plus un parasite à dreadlocks qui fume des joints toute la journée ou un adulescent immature qui joue à la Wii pendant que le monde entier va travailler. Il est un actif qui bosse comme un damné et qui croise les doigts pour que ses parents vivent une éternité. Tanguy est un otage à visage humain.

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