Le magazine féminin des Orléanaises (depuis 2010)

RICHE… D’ABSOLU ! par Alexandre Moix

Le nouveau mal du siècle, c’est l’argent. Il y a eu la peste, la syphilis, la grippe espagnole et le SIDA. Aujourd’hui, il y a la Rolex. Cette hideuse gangrène à tic-tac que les riches se clipent autour du poignet comme les bracelets fluo d’un All Inclusive des îles Caïman, pour mieux se reconnaître entre eux et dédaigner le reste du monde. La Rolex a remplacé le fer à cheval ou le trèfle à quatre feuilles. Elle n’est plus un porte-bonheur mais un bonheur porté, affiché, exhibé. D’un petit geste étudié de la manche, hop ! on ne donne plus l’heure, on indique le prix ; on n’informe plus sur le temps qui passe, mais sur l’ampleur de son train de vie. Dans ce monde cupide, réussir, s’accomplir, devenir quelqu’un, se mesure au nombre de cylindres en V disposés sous la carlingue d’une bagnole, au nombre de tours-minute ou en épaisseur de pneu. On n’existe plus à travers le « Q » d’un quotient intellectuel ou émotionnel mais à l’intérieur du « Q » d’une Audi. La profondeur humaine n’est qu’une question de profondeur de coffre. Et si l’argent n’a pas d’odeur, certains diront qu’il sent l’eau de Cologne chez les gens qui n’en ont pas et « Hermès » chez ceux qui en ont plein. Qu’il a la texture d’un sac Champion pour les uns et celui d’un sac Vuitton pour les autres. Pourtant, dans ce Monopoly géant qu’est la vie moderne, le gagnant n’est pas forcément celui qui tombe sur la « rue de la Paix ». Pour trouver le bonheur, on peut aussi repasser par la case départ. Car le suicide, le burn-out, la dépression, le mal-être, la solitude guettent souvent les addicts du pognon. À vouloir faire sauter la banque, ils finissent par se faire sauter le caisson. On ne compte plus les DG, DRH, directeurs financiers, banquiers, avocats, qui refusent un beau jour de lancer les dés et qui changent de vie pour être plus heureux. Le bonheur n’a pas toujours la forme d’un chéquier. Il ne s’achète pas, ni ne se dépense. Il se vit. Il se partage. Un bon BIP (bonheur intérieur brut) vaut mieux qu’un bon PIB. Le bonheur est un groslot quotidien qu’on peut toucher sans jamais jouer au Loto. Riche, on peut l’être aussi d’absolu. Et cette fortune-là, n’importe qui peut se la constituer. Elle est nette d’impôt et se transmet immédiatement aux générations futures. Espérons que le monde de demain fera fructifier ce magnifique héritage.

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