On remarque une sous-représentation criante des filles dans les filières scientifiques « dures » (à fortes doses de maths). Un problème évidemment plus culturel que biologique… Y a-t-il moyen de rééquilibrer les choses ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : si l’on retrouve 50 % de filles en terminale S (37 % d’entre elles décrochant une mention « Bien » ou « Très Bien » contre 30 % des garçons), elles ne représentent que 30 % des étudiants français des classes préparatoires scientifiques aux grandes écoles. Pourquoi cette différence ? D’où vient cette idée selon laquelle elles seraient moins douées pour les sciences exactes, et partant, pour réussir dans l’ingénierie ou la recherche ? Une question d’acquis, ou bien d’inné ?
On l’a cru à une époque, jusqu’à ce que les études et les expériences battent en brèche de stupéfiantes théories, selon lesquelles, quand même, le cerveau des femmes pèserait moins lourd que celui des hommes, serait différent ou d’une « petitesse relative » ! Dans ce cas, comment expliquer que le cerveau d’Einstein ne pesait qu’1,2 kg ?
Plus sérieusement, des recherches récentes ont démontré qu’il n’y avait pas de prédisposition naturelle des garçons pour les maths. Et pourtant, dans la plupart des pays, ils sont plus nombreux que les filles dans les filières scientifiques « dures », et à 15 ans, ils ont de meilleures notes qu’elles dans les matières concernées. « Dans la plupart des pays », en effet, mais pas dans tous, ce qui prouve l’importance du contexte culturel et social. En Finlande, au Qatar, en Malaisie, en Thaïlande et en Jordanie, c’est le contraire.
Il faut y croire, les filles !
En réalité, l’hésitation manifeste des filles à rejoindre les filières scientifiques ne provient évidemment pas d’une faiblesse « naturelle » en maths, mais d’un manque de confiance en soi. C’est là qu’apparaît la « menace du stéréotype », définie par Anne Chemin dans son article sur « Le sexe des maths », paru récemment sur lemonde.fr : à force de se croire moins bonnes en maths que les garçons, les filles finissent par le devenir ! Et l’entourage ne fait rien pour améliorer les choses, bien au contraire. Des expériences ont été menées, qui montrent qu’au collège, les profs interrogent plus souvent les garçons, et leur laissent même plus de temps pour répondre… Du coup, ces derniers, davantage sollicités, gagnent
en confiance.
Comment rééquilibrer les choses ?
En France, pour encourager les filles à s’inscrire dans les filières scientifiques logico-formelles (maths, physique…), la fondation L’Oréal a lancé un programme L’Oréal Pour les filles et la Science, à la mi-octobre. « Pour la première fois en France, une fondation d’entreprise va à la rencontre des lycéens pour rendre la science plus attractive aux yeux des jeunes filles et briser les stéréotypes sur les métiers scientifiques et sur les femmes en sciences », annonce un communiqué du groupe. Concrètement, le programme s’articule autour de deux actions destinées à donner envie à plus de jeunes filles de choisir la voie scientifique après le bac : d’une part, la mobilisation du réseau des Boursières L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science et des femmes scientifiques de L’Oréal pour intervenir dans les lycées, et d’autre part, une campagne digitale de sensibilisation destinée aux jeunes filles de 15 à 18 ans (#LesFillesAussi, sur Facebook, Youtube, Twitter, Instagram), afin de les informer et de les accompagner au moment de l’orientation. 16 000 lycéens, dans toutes les académies, devraient être sensibilisés avant la fin de l’année scolaire en cours.
Et dans quelques années, on aura peut-être enfin pris l’habitude d’écrire « ingénieure » avec un « e »…
INFOS : www.loreal.fr/pourlesfillesetlascience
À lire
« Le sexe des maths », article mis en ligne sur lemonde.fr, 30/10/2014
L’école des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux ?, de Marie Duru-Bellat (L’Harmattan, 2004).
Les filles ont-elles un cerveau fait pour les maths ?, de Catherine Vidal
(Le Pommier, 2012).
Témoignage :
Mélissa, 22 ans, ingénieur travaux, diplômée de Polytech Orléans
« Après un bac S option SVT, j’ai fait une prépa BCPST-Véto, puis j’ai obtenu le concours G2e (géologie eau et environnement) qui m’a permis d’entrer à Polytech Orléans en spécialité Génie Civil. J’aurai mon diplôme officiel d’ingénieur Génie Civil en avril.
Je suis intéressée par les sciences depuis toute petite. J’étais très curieuse et je voulais comprendre le monde qui m’entourait.
Je regardais ” C’est pas sorcier ” à la télé. J’avais même un microscope et une lunette astronomique ! Mes parents et ma famille en général m’ont toujours soutenue dans mes choix, notamment scolaires. Ils n’avaient pas d’a priori sur le fait que des filières étaient faites plus pour les garçons ou pour les filles. « Le plus important, c’est de faire ce qui te plaît », me disaient-il. Et je ne regrette pas.
Pendant mes études, la spécialité SVT de la terminale S était celle qui comportait le plus de filles. Il y avait environ 1/3 de la classe. En prépa BCPST-Véto aussi, il y a pas mal de filles par rapport aux autres prépas, environ la moitié de la classe. À Polytech, nous étions à peine 1/3 de filles sur la promo Génie Civil.
Dans le cadre de mes études, j’ai dû m’habituer à travailler avec
des garçons : pour les travaux de groupe par exemple, chaque groupe comportait moins de filles que de garçons. Parfois, en rigolant,
les garçons nous taquinaient en nous demandant de prendre
des notes parce que nous étions de bonnes secrétaires. Mais jamais rien de méchant. Je pense qu’en réalité, ils appréciaient de travailler avec des filles.
Aujourd’hui, je suis sur des chantiers où la présence masculine est importante. Mais l’équipe encadrante comporte presque autant d’hommes que de femmes. Sur le chantier, je note des petites remarques machistes de la part des ouvriers, mais il faut savoir y répondre et montrer que l’on est aussi efficace qu’un homme. Il faut s’affirmer dès les premiers jours, et ensuite ces remarques s’estompent.
Je ne rencontre pas ce genre de remarques avec l’équipe encadrante. La mixité est de plus en plus d’actualité dans mon métier. »
« On peut faire aussi bien que les hommes »
« Je pense qu’il y a beaucoup de garçons dans les cursus scientifiques depuis l’époque de nos parents et grands-parents, les études étant alors peut-être plus facilement envisageables pour les garçons que pour les filles, analyse Mélissa. Il faut briser ce stéréotype.
De plus, pour une fille, se lancer dans un milieu scientifique qui est en plus masculin peut rendre mal à l’aise et en rebuter certaines. Il faut montrer que nous pouvons avoir des métiers intéressants, enrichissants et être reconnues. Leur montrer qu’on peut faire aussi bien que les hommes et qu’une vie de famille peut être compatible avec ce type de métiers. »