L’une était écrivain (aurait-elle préféré le terme d’« écrivaine » ? Peut-être…), l’autre responsable politique. Au-delà d’un prénom commun, c’est une cause majeure qui les réunit dans l’Histoire : celle du droit des femmes. Sébastien Drouet
Simone de Beauvoir, fondatrice du féminisme moderne
Révolte de jeunesse
Née à Paris le 9 janvier 1908 dans un milieu catholique et bourgeois, Simone de Beauvoir connaît, comme l’ensemble de sa famille, un sérieux passage à vide quand son grand-père maternel, banquier, fait faillite. Pas de chance, c’est sur sa fortune que comptait le père de Simone pour entretenir la maisonnée. Pour échapper aux tristes lendemains qui attendent celle à qui son père (qui aurait voulu avoir un fils) répète « tu as un cerveau d’homme », Beauvoir fait un choix : après des études supérieures, elle se lancera dans la littérature. Sa future profession choisie, elle en profite pour embrasser dans le même temps l’athéisme le plus ardent.
Un amour, des amours
En fac de lettres, elle rencontre Sartre. Ensemble, ils formeront un couple légendaire, dans le cadre d’une relation forte, de haut vol – on imagine le niveau des conversations à table –, mais loin d’être exclusive (ce que Sartre accepte, papillonnant lui aussi de son côté) : enseignante, Beauvoir multiplie les aventures, y compris avec certaines de ses élèves, ce qui lui vaut d’être exclue de l’Éducation nationale, qu’elle réintègre en 1945. Pendant la guerre toujours, elle anime une émission musicale sur Radio Vichy, radio officielle du gouvernement collaborateur.
La reconnaissance, puis le combat féministe
Simone quitte l’enseignement, se lance à corps perdu dans la littérature.
Avec Sartre, elle fonde la revue Les Temps modernes, publie des romans et essais, dont un énorme succès en 1949, Le Deuxième Sexe, texte fondateur du féminisme moderne, dans lequel elle s’indigne de l’érotisation de la femme, de son statut d’être inférieur, voire d’objet. Elle encourage l’émancipation féminine, l’égalité (dans la différence), aborde de front la question de l’avortement, et voue le mariage aux gémonies !
Prix Goncourt en 1954 (avec Les Mandarins), engagée contre les tortures faites aux femmes pendant la guerre d’Algérie, Simone de Beauvoir a rédigé en avril 1971 le fameux « Manifeste des 343 », texte favorable à l’avortement (illégal à l’époque), qui a ouvert la voie à la loi Veil…
Sa place dans l’histoire
Icône de la lutte pour le droit des femmes, auteure d’un livre devenu classique, et d’un texte non moins célèbre, Simone de Beauvoir, décédée en 1986, voit son nom ressurgir à chaque nouveau combat féministe.
Pour les militantes, elle est plus qu’une compagne de lutte : elle est l’initiatrice, la révélatrice, d’une prise de conscience.
Simone Veil, une femme de combats
Une enfance marquée par l’horreur
Née Jacob le 13 juillet 1927 à Nice, Simone, fille d’un architecte Grand Prix de Rome, connaît, à peine sortie de l’enfance, les affres (le mot est faible) de la guerre : adopté en 1940, le statut des Juifs ruine la carrière d’André Jacob, ancien combattant de 1914-1918, dès lors interdit d’exercer sa profession. Mais le pire est encore à venir : le 13 avril 1944, Simone, sa sœur et sa mère sont déportées en wagon à bestiaux jusqu’au camp d’Auschwitz. Elle évite de peu la chambre à gaz : âgée de 16 ans et demi, elle dit en avoir 18 et est affectée à des travaux éreintants.
Un souvenir ineffaçable
En 1945, avec les autres prisonnières, elle marche 70 km dans la neige devant l’avancée des troupes soviétiques, avant d’être transférée vers d’autres camps. Sa mère meurt. Son père et son frère, eux non plus, ne reviendront pas. Toute sa vie, Simone Veil conservera son numéro de matricule sur le bras gauche, toute sa vie, elle défendra le devoir de mémoire ; elle sera d’ailleurs présidente d’honneur d’une fondation pour la mémoire de la Shoah.
L’irrésistible ascension
À son retour des camps, la survivante s’inscrit à Sciences Po, se marie, élève trois fils et se fait fort d’appliquer l’un des grands principes édictés par sa mère : une femme doit gagner son indépendance par le travail. Antoine, son mari, accepte à reculons. Mais la machine est lancée : Simone grimpe les échelons, devient la première femme secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature, siège (c’est aussi une première) au conseil d’administration de l’ORTF. Parallèlement, elle s’intéresse à la politique. Mendésiste de cœur, électrice SFIO à l’occasion, elle est appelée en 1974 par Jacques Chirac pour devenir ministre de la Santé. Un poste très exposé qu’elle accepte, mais pas pour y faire de la figuration…
Sa place dans l’histoire
C’est le texte autorisant l’IVG qui vient immédiatement en tête lorsque l’on évoque les actions politiques de Simone Veil, qui précise bien, au moment de défendre la loi en novembre 1974, que l’avortement doit rester une exception, un ultime recours, et qu’il ne doit pas être banalisé. Par la suite, Simone Veil sera – avant de siéger au Conseil constitutionnel – députée européenne, et première présidente du Parlement européen. Le combat pour l’Europe, la mémoire de la Shoah, la libération de la femme : trois raisons qui expliquent la vive émotion qu’a causée son décès en juin 2017.