Spamés au Viagra ! Des messages envahissent les boîtes mails de nos hommes qui saturent, sous l’offre quotidienne de stimulants sexuels.
Depuis 1998, 37 millions d’hommes ont utilisé du Viagra, et cela fait plus de dix ans que la fameuse pastille bleue a fait son apparition. 13 à 28 % des hommes, dans le monde, âgés de plus de 40 ans seraient atteints de dysfonction érectile. D’autres hommes plus jeunes, loin d’être en panne, se procurent la pilule magique qui assure l’érection longue durée. Est-ce par peur de ne pas être au garde-à-vous le premier soir ? David Simard, philosophe et psycho-sexologue, nous éclaire sur ce sujet épineux !
À votre avis, pour quelles raisons certains hommes se font-ils prescrire des stimulants érectiles ?
Les raisons des usages dits « récréatifs » des molécules aidant l’érection sont variées, allant du manque de confiance en soi à la quête de performance. Ces usages s’inscrivent dans le cadre d’une idée reçue plus ou moins intériorisée, tant par les hommes que par les femmes, selon laquelle « un homme un vrai » bande sur commande et toujours de façon optimale.
Ces stimulants sont-ils les garants d’une jouissance ?
Absolument pas, ni pour l’homme ni pour sa ou son partenaire. Au mieux, ils facilitent l’érection, et une érection n’est pas suffisante pour atteindre la jouissance !
Est-ce une preuve d’amour ou simplement la recherche de la performance ?
Cela dépend des cas, et chez certains hommes l’amour et la performance peuvent être associés : ils voudront se montrer performants par amour. Mais aussi pour, pensent-ils, en mettre plein la vue à leur partenaire, et correspondre à l’image de l’homme puissant, par opposition à l’impuissant.
Le disent-ils à leurs partenaires ou cela reste-t-il tabou ?
Cela varie d’une relation à l’autre, mais en général, le sujet est tabou, une certaine honte peut être ressentie, car ces molécules sont d’abord faites pour pallier une défaillance. Quant à l’homme qui en prend parce qu’il a un rendez-vous galant et qu’il veut impressionner sa partenaire, il va bien se garder d’en parler !
Ces stimulants ont-ils des effets sur le désir ? Sinon, l’homme est-il à la recherche de rapports sexuels « mécaniques » sans désir, ni amour ?
Ces facilitateurs n’ont pas d’effets directs sur le désir. L’érection est un processus qui a le désir ou l’excitation sexuelle pour point de départ, c’est-à-dire un élément psychologique. Les molécules agissent à un niveau physiologique, à une étape précise du processus, comme inhibiteur de l’enzyme phosphodiestérase de sous-type 5 (PDE-5). Pour toute difficulté érectile qui n’est pas due à cette enzyme, ces molécules ne servent à rien. Et si on n’a pas de désir, elles ne fonctionnent pas. Ainsi, même des rapports sexuels « mécaniques » nécessitent d’être excités ou d’avoir du désir. Pour ce qui est de l’amour, c’est une autre affaire…
Y a-t-il des risques si on les utilise sans en avoir vraiment besoin ?
Ces molécules sont des médicaments qui ne sont censés être prescrits que sur ordonnance. Comme pour tout médicament, il y a des risques d’effets secondaires, notamment si l’on souffre de troubles cardiaques, ou si l’on prend d’autres médicaments contenant certaines molécules spécifiques. Mais il existe en outre un risque psychologique : celui de ne plus avoir confiance en son érection si on n’a pas pris l’une de ces molécules. Ce qui devait donner confiance en soi risque, au final, d’augmenter le manque de confiance en soi.
Merci à David Simard,
auteur de L’Amour à l’épreuve du couple (Larousse, 2011)
Rencontre/débat le samedi 29 octobre à 15 h à la librairie Chapitre place de la République