Comme les rues et les boulevards, les parcs et les jardins orléanais sont rarement baptisés du nom d’une femme. À une exception près, située à proximité du pont Thinat. Aviez-vous remarqué ce discret jardin public inauguré le 31 août 2018, portant le nom d’une poétesse ?
Lové entre le boulevard de la Motte-Sanguin, la rue de Solferino, et le quai du Fort-Alleaume, s’étend, sur 6 000 m2 et deux niveaux, le jardin Hélène Cadou, inauguré en août 2018. Dans la partie supérieure, des jeux pour enfants ont été installés, un jardin de 400 buis a été créé, tandis que dans la partie inférieure se déploie une œuvre monumentale signée Jean-Paul Moscovino, représentant « une femme assise » selon l’auteur.
Une femme assise, c’était la position d’Hélène Cadou, qui a donné son nom à cet espace contemporain, lorsqu’elle écrivait ses poèmes. Car c’est d’abord en tant que poétesse que la dame est connue, bien au-delà des frontières du Loiret. Poétesse et femme de poète, René-Guy Cadou en l’occurrence, qu’Hélène Laurent, née en 1922, rencontra en 1943 à Clisson (Loire-Atlantique) avant de poursuivre avec lui une relation épistolaire, puis une relation tout court : ils se marièrent en 1946 et vécurent quelques années à Louisfert, près de Châteaubriant, où René-Guy était maître d’école. Publié à 17 ans (!), c’est encore bien jeune, à 31 ans seulement, que l’instituteur-poète quitta ce monde, à la suite d’une maladie…
Femme de l’être
Après son départ, sa muse, celle qui lui avait inspiré ses plus beaux poèmes, fit de l’école de Louisfert la Demeure René-Guy Cadou, dont elle a été la conservatrice, donna à la ville de Nantes l’ensemble des manuscrits et correspondances de son mari, permettant ainsi la constitution du Fonds René-Guy Cadou, et créa, avec l’aide de la Ville, le Centre René-Guy Cadou, véritable centre de documentation consacré au poète. Elle-même se lança avec succès dans la poésie : elle publia 23 recueils et reçut en 1990 le prix Verlaine.
Hélène, née à Mesquer et inhumée à Nantes, près de René-Guy, à l’été 2014, reste aussi profondément liée à Orléans, où elle fut accueillie après la mort de son cher et tendre. Elle fut bibliothécaire à l’hôtel Dupanloup, puis, de 1967 à 1975, présidente du Centre d’action culturelle d’Orléans et du Loiret et de la Maison de la Culture-Carré Saint-Vincent. C’est à Orléans qu’elle a composé l’essentiel de son œuvre.
Laissons le mot de la fin à Bernard Pivot (JDD, décembre 2012) : « Il n’est pas exagéré de dire que ce couple de légende a perduré au-delà de la mort. Hélène Cadou a consacré une bonne part de son temps et de son énergie au rayonnement de l’œuvre de son époux et a publié elle-même des recueils où sa voix n’est pas imitation de l’autre, ni son écho, mais affirmation de sa riche personnalité dans un dialogue d’outre-tombe. »
« Mais depuis que tu m’as quittée Pour un sommeil qui te dévore Je m’applique à te redonner Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce Pour t’obliger à vivre encore. »
Axel Besse