Issu de l’industrie cosmétique, Damien Lepeintre cherchait à se réaliser dans un nouveau domaine, totalement naturel. Et il a trouvé : désormais, il cultive des micro-pousses dont raffolent les chefs des grands restaurants. Le nom même de l’entreprise laisse deviner l’esprit de son créateur : la Ferme positive – positive, comme sa façon de penser, de vivre.
Je propose une quinzaine de variétés différentes
Une serre de 90 m2 prêtée par le service des espaces verts de la ville de Fleury-les-Aubrais : c’est ici que Damien Lepeintre, ingénieur de formation, se rend quotidiennement depuis qu’il a quitté un domaine professionnel qui ne le motivait plus pour embrasser une nouvelle carrière, certes pleine d’aléas, mais qui correspond davantage à ses aspirations personnelles tournées vers le respect de la nature : la production de micro-pousses, stade de croissance du végétal qui se situe entre la graine germée et la jeune pousse (entre deux et six semaines après avoir été semée). « Ce peut être fait à partir de toute semence qui donne une plante comestible, nous explique Damien. Le radis, le pois vert, le cresson, l’oseille veinée, le basilic, etc. Je propose une quinzaine de variétés différentes. » Dont les chefs cuisiniers raffolent pour décorer leurs assiettes, de l’entrée au dessert, mais aussi pour en rehausser les saveurs, car les micro-pousses ont la particularité d’« exploser en bouche », pour reprendre les termes des cuisiniers médiatiques. Une tendance récente, qui existe depuis cinq ans environ en France – mais depuis plus de vingt ans en Amérique du Nord, plutôt pour les qualités nutritionnelles de ces aliments. Or, pour déguster les micro-pousses de la Ferme positive, il faut se rendre dans les grands restaurants. En effet, l’entreprise fleuryssoise ne fournit que les professionnels, pas les particuliers. Mais peut-être cela viendra-t-il quand les micro-pousses seront plus connues ?
Quête de sens
Damien, soutenu depuis le début par Terr’O, couveuse d’entreprises agricoles, n’a lui-même découvert ce produit que tout récemment, il y a deux ans et demi. « Je cherchais à me reconvertir. J’ai travaillé dans l’industrie cosmétique jusqu’à 44 ans, puis j’ai eu envie de travailler dans quelque chose de plus concret, dont je suis l’évolution du début à la fin, qui me permette d’être en contact avec le client. Je souhaitais aller vers l’agriculture, et je suis tombé sur un article à propos des micro-pousses. Je ne connaissais pas du tout, j’ai trouvé cela très intéressant. » Après ses premiers essais, chez lui à Orléans – car il a tout appris seul –, Damien a pris son bâton de pèlerin et s’est rendu chez les restaurateurs pour leur présenter ses produits et susciter leur intérêt. La plupart ont été convaincus par cette offre locale (il existe une autre offre, mais industrielle et provenant des Pays-Bas). Sa clientèle est à présent composée d’une vingtaine de chefs orléanais, blésois, solognots, aux commandes de tables gastronomiques et bistronomiques. En attendant leurs confrères de toute la région.
Appui technique
L’activité progressant, il lui a fallu déménager vers un espace plus grand, celui que la ville de Fleury-les-Aubrais lui a proposé. Ici, eau, lumière, chaleur (mais pas trop) sont apportées avec une précision chirurgicale, tout étant géré par une batterie d’appareils. Ce qui n’empêche pas le procédé d’être naturel, bien au contraire (pas bio, car la culture se fait hors-sol). Par exemple, la lumière vient du dehors, tandis qu’une centrale météo contrôle les ouvertures et fermetures de volets pour jouer sur la température ambiante. Dans les bacs, il y a de la terre, pas du substrat, et aucun produit phyto, aucun insecticide, ce qui oblige notre homme à une lutte sans merci contre les insectes, à coups de filets, de pièges, de courants d’air pour faire fuir les indésirables. Parvenus à terme, les produits sont conditionnés dans des barquettes en bois. Et tout est fait « en tension », en réponse à la demande des clients. Pas possible de faire des stocks : arrivée au stade attendu, la micro-pousse doit être livrée sans délai ! Un rythme haletant que Damien, avec la réouverture des restaurants, devrait reprendre très bientôt…
Mangez des fleurs !
En plus des micro-pousses, Damien se lance dans la culture des plantes aromatiques et des fleurs comestibles sur un terrain prêté par la ville de Fleury-les-Aubrais. Oui, des fleurs ! Dont les vertus alimentaires ne sont encore pas très connues, c’est peu dire. Justement, le terrain fera bientôt office d’espace pédagogique sur le végétal et l’alimentation. De plus, se rapportant directement à notre article sur les ruches en milieu urbain, il y aura juste à côté une ruche, pédagogique elle aussi, « ce qui créera un petit écosystème très sympa ». Quant à la clientèle de ces nouvelles cultures, elle sera composée, dans un premier temps, des restaurateurs. Mais Damien ne ferme pas la porte aux particuliers si une demande venait à se faire.
Sébastien Drouet